Non traitée, elle contient une
cire et est colorée (de l'ambré au rouge cerise). La cire peut donner un
aspect trouble qui disparaît au séchage, ne jouant finalement qu'un double
rôle de matifiant très léger et de bouche-pores.
Elle n'accepte que des supports durs, mais
ce qui est surprenant, c'est que le bois est loin d'être le seul
qu'elle tolère. Voir plus loin Choix
du support et encollage.
La manière dont la gomme est produite est elle-même peu ordinaire. Elle
est fabriquée par des
sortes de pucerons se
collant entre eux en couches superposées sur des branches d'arbres à l'aide de cette gomme qu'ils
secrètent eux-mêmes, d'où l'aspect lamellaire du
produit fini. Actuellement encore, elle est surtout
produite en Union Indienne.
Elle ne fut longtemps utilisée qu'en Orient, notamment en
Chine et en Asie du Sud-Est. "La Coromandel" ne
parvînt en Europe qu'au XVIIème siècle (seules les oeuvres
étaient importées, pas les techniques). Elle connût en Occident un âge d'or au
début du XXème où l'on trouva même le moyen de l'employer dans la
réalisation des disques "78 tours".
Attention : certaines soi-disant laques fabriquées
à l'Ouest du continent à cette époque et auparavant ont en fait
été
intégralement réalisées avec de la peinture à l'huile et d'autres produits
dont certains, d'ailleurs, n'étaient pas sans intérêt (le "vernis
Martin" en particulier).
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Retrouvailles eurasiennes
On tenait à
le dire :
Le
temps qui fut nécessaire pour que les très intéressantes techniques
de laques orientales parviennent en Occident permet de juger de l'abîme qui
sépara les deux parties de notre continent commun durant des milliers
d'années après les étonnants contacts répétés du néolithique dont
l'archéologie témoigne depuis quelques années seulement.
Découvrir,
utiliser la technique japonaise et la technique continentale - pas
seulement pour l'ébénisterie - est un acte parfumé et enrichissant
que nous conseillons à tout artiste occidental. Nous redécouvrons ainsi un
lien qui resta rompu durant des millénaires.
|
Caractéristiques
techniques
Point de fusion de la gomme laque de Coromandel : 115°C.
Mise en solution
D'une nature acide (information
vérifiée expérimentalement), cette substance réagit en présence
d'alcools pour former des
esters. Les alcools ne sont donc pas de simples diluants, mais des apports
indispensables, semble-t-il.
L'éthanol est l'alcool donnant le résultat le plus efficace. Il est
couramment employé.
La glycérine,
autre alcool, a bien un
effet sur elle : elle la ramollit, segmente les écailles en tout petits
morceaux après quelques semaines, mais ne parvient pas à la
dissocier intimement.
Réversion, dissolution
La gomme laque est
réversible
sous l'action de l'éthanol et d'autres solvants mais
insensible à l'eau.
Elle
pourrait être
dissoute par
l'acétate d'amyle.
Pratiquement insoluble dans l'essence - contrairement à ce qu'avancent
certains auteurs, nous l'avons vérifié - et pas davantage, paraît-il, dans l'éther
ou le
benzène (chose rare, encore une particularité
étonnante), la gomme de Coromandel est non seulement
soluble à froid dans
l'alcool éthylique
mais
aussi, dit-on (information non vérifiée), dans un mélange borax+eau
(3 à 4% de borax dans de l'eau distillée
chaude) ou ammoniaque+eau. Nous n'avons
pas testé ces deux derniers solvants, d'emploi assez rare d'ailleurs. A priori,
les résultats obtenus avec ces derniers produits qui sont des
alcalis risquent de
former des sels et non des esters comme dans le cas de l'éthanol.
Temps de séchage
IL EST TRÈS COURT : 20 minutes environ. C'est le délai à respecter entre
deux couches. Le processus de durcissement ne serait cependant achevé
complètement qu'après quelques heures.
Sensibilités
Sa sensibilité à la lumière
(particulièrement aux néons, dit-on) pourrait induire des décolorations, ce qui ne
concerne que les variétés n'étant pas
pré-décolorées.
Elle est vraiment sensible aux
écarts de températures et aussi d'hygrométrie mais dans une bien moindre
mesure (voir
ci-dessous).
Autres
Son "tendu"
est particulièrement remarquable.
Utilisations
On mentionne l'emploi d'alcool à
brûler comme diluant, mais celui-ci devrait plutôt être considéré comme
un dissolvant mal adapté car le méthanol qu'il
contient (de 5 à 10%) n'est pas seulement un produit "agressif" pouvant
dénaturer le pigment : employé en usages répétés, il n'est pas sans nocivité. Rien ne remplace
l'éthanol de type "alcool à
vernir" (proposé dans les magasins spécialisés dans l'ébénisterie, voire les
Beaux-arts), titrant 95% à 100% ("alcool absolu"),
un solvant moins dangereux présentant un minimum de risques d'interactions avec
les pigments.
La gomme laque de Coromandel, étant donnée sa chimie très particulière, ne peut donc pas être employée en peinture à l'huile ni en peinture
à l'eau, sauf
* en surcouche dans ce dernier cas (elle n'agresse pas la
gomme arabique, par exemple)
* en surcouche aussi sur de la peinture à l'huile parfaitement sèche. C'est
très surprenant, mais nous en avons fait l'expérience : cela fonctionne
parfaitement. L'adhérence est même exceptionnelle (voir
ci-dessous)
* en sous-couche pour l'acrylique et la peinture à l'huile. L'adhérence de celle-ci sur
la laque Coromandel est excellente, intime, nous l'avons constaté. L'emploi
d'encaustique est également mentionné par
différents auteurs et utilisateurs
* mais jamais en mélange.
Il est donc parfaitement possible de réaliser dans un premier temps une
aquarelle, puis de la laquer, puis de la recouvrir de peinture à l'huile ou à
la cire. Ce type de procédés n'est pratiquement pas utilisé en peinture, moins
pour des raisons artistiques que par méconnaissance des possibilités
techniques... et c'est fort dommage ! Voir plus loin Laque
de Coromandel, huile de lin et techniques mixtes.
Elle entre dans la composition
* de fixatifs à l'ancienne (elle serait la meilleure résine
naturelle pour cet emploi) et de vernis pour peintures
maigres. Cependant, même traitée pour
décoloration, elle conserve une teinte jaune.
* d'encres et de patines où elle joue le rôle de liant principal ou
additionnel
* de nombreux produits utilisés en ébénisterie
* et surtout, de peintures orientales traditionnelles ainsi que d'oeuvres modernes ou
contemporaines internationales, presque toujours réalisées sur bois.
Elle est donc à la fois un auxiliaire plus ou moins comparable à un vernis
(un peu trop fragile en tant que tel) et en même
temps un
véritable liant auquel l'artiste peut éventuellement adjoindre des
pigments, le plus souvent assez transparents, c'est-à-dire ceux que l'on
appelle précisément les... laques, quelquefois aussi, des "terres" et
d'autres pigments.
On mentionne aussi son emploi comme vernis spécifique pour
feuilles métalliques, dont la feuille d'or. Le terme de vernis touche dans
ce contexte une fois de plus sa limite car la gomme laque est souvent teintée
pour cette application.
Il vaudrait beaucoup mieux employer le terme de glacis
que celui de vernis lorsque l'on évoque la gomme laque et les laques en général,
sauf concernant quelques exceptions.

Signalons en effet l'utilisation de "la Coromandel" dans la réalisation de peintures
et vernis craquelés. Sa tendance à craqueler fortement lorsqu'elle est chauffée peut
être mise à profit dans cette technique. Par contre, l'hygroscopie de la gomme laque à
l'humidité est trop faible pour créer des effets sensibles par contact avec
l'eau ou la vapeur.
Variétés
La gomme laque brute est naturellement cireuse et teintée. On fabrique des variétés décirées limpides
exceptionnellement brillantes. La présence de
cire n'implique pas un aspect trouble ni vraiment mat. Les gommes cireuses sont
en fait assez brillantes mais moins que les laques
décirées. Pour
chacune de ces variétés, les fabricants (généralement spécialisés dans les
produits pour l'ébénisterie et les Beaux-arts) proposent des produits plus ou
moins purifiés, parfois déjà dissous dans l'alcool et présentés en gros
flacons plastiques. Il faut en effet rappeler que la gomme laque peut servir
d'apprêt et trouve donc des applications en peinture décorative qui concernent
des surfaces importantes.
Types de laques :
* parmi les laques cirées se déclinent des variétés plus ou moins
colorées. On trouve
* une variété assez brute, impure, foncée, généralement nommée "cerise",
à séchage très rapide
* une variété intermédiaire dite "orange" d'usage très courant
(voir photo ci-dessous) car sa qualité et sa coloration
(elle jaunit légèrement les surfaces) sont adéquates au traitement des bois.
Elle serait cependant légèrement hygroscopique
selon certains auteurs (information non clairement vérifiée à ce jour)
* une variété plus pure dite "blonde"
* plusieurs variétés dites "blanches"
ou "décolorées", très peu
colorées mais parfois aussi blanchâtres ou jaunâtres
* d'autres variétés intermédiaires, parfois mélangées à
différentes résines
* parmi les laques décirées,
* des variétés sensiblement correspondantes, mais beaucoup plus
brillantes, pourvues de noms
commerciaux aussi variés.
* une qualité "Beaux-arts" plutôt pure.
Elle peut aussi être utilisée pour les bois clairs. Elle peut donner une
très légère teinte d'un jaune franc, absolument pas ambré.
Il
faut garder à l'esprit que la plupart des laques
sont communément destinées à l'ébénisterie et aux arts
décoratifs où elles jouent souvent un rôle chromatique. Leur usage dans le domaine des arts plastiques correspond
généralement à un emploi comme liant, nécessitant de bonnes qualités de
transparence et de neutralité chromatique pour autoriser des traitements plus
variés conjointement aux pigments.
La gomme laque décirée et décolorée, variété
extrêmement brillante correspond à ces spécifications. Elle est distribuée par les
détaillants orientés "Beaux-arts" ou des généralistes de
haut niveau.
Les laques chinoises les plus célèbres ne sont pas brillantes du
tout. Elles ne sont probablement pas toujours décirées et sont même
peut-être "surcirées" mais sont manifestement
décolorées.
L'artiste doit donc faire un choix entre forte brillance et relative matité, tradition et
liberté.
Photo ci-contre :
une gomme laque orange non décirée mise en solution dans
l'éthanol, à comparer avec l'autre échantillon en solution, voir
plus bas.
La cire de gomme laque
Elle est récupérée lors de l'opération de décirage. Elle est très dure - plus
que la carnauba - et très claire.
Elle est employée en ébénisterie mais rien n'empêche de la mettre à contribution dans
d'autres domaines dont les arts plastiques. Les conditions de mise en oeuvre
sont exposées dans l'article sur les cires et les
encaustiques.
Conditionnements
commerciaux
Les gommes laques destinées aux travaux d'ébénisteries sont
parfois conditionnées en flacons, en solution dans
l'éthanol, généralement
pour un usage comme enduits.
Au-delà du fait que lesdits flacons sont presque toujours
opaques, ne permettant pas à l'acheteur de prendre visuellement connaissance du
produit, on peut douter des possibilités de stockage à long ou moyen terme à
partir du moment où le contenant a été ouvert, l'éthanol étant fort
volatil.
L'aspect pratique, "prêt à l'emploi", de ces
conditionnements doit cependant être souligné.
Concernant les gommes vendues sous forme solide, il n'y a qu'une
chose à spécifier : celles qui ne sont pas décolorées et dont on souhaite
conserver la coloration doivent être mises à l'abri de la lumière. Concernant
les autres variétés, c'est exactement le contraire.
On nous signale une variété en bâtons que nous ne connaissons pas.
Elle semble aujourd'hui absente de l'offre commerciale.
Emploi,
préparation
Attention : la gomme laque réagit
brutalement à l'eau (précipité
immédiat). Nettoyez les outils (pinceaux, soufflette) avec
de l'alcool et rien d'autre dans un premier temps sans quoi vous
risquez de désagréables surprises ! Lorsque vous aurez bien retiré la majeure
partie de la laque, vous pourrez terminer le lavage à l'eau et au savon sans problème.
Voici des taux de dilution (en poids) dans l'éthanol
(dénaturé car la loi n'autorise que des variétés impropres à la
consommation, affichant 95% à cause des additifs dénaturants), à titre indicatif, en fonction
de l'utilisation :
* vernis (type vernis pour gouache) -> 5 à 15% (typiquement 10%)
* fixatifs (fusain, pastels, etc.) -> 5% maximum
* laque -> 17% à 20%

Préparation : procéder comme pour la fabrication d'un
médium dammar pour la peinture à l'huile mais laisser reposer cinq
jours (comme pour un médium mastic) au lieu de 48 heures. L'éthanol remplace
l'essence, mais la technique est exactement la même. Bien essorer les sacs au
moment de les retirer.
Photo ci-contre : une gomme laque décolorée et décirée en solution dans l'éthanol
à 20% (en poids). On peut mesurer à quel point cette laque conduit fidèlement la lumière
malgré quelques effets troubles en observant la barre métallique noire, au second plan,
à travers
le fluide. Comparer avec la laque orangée figurant ci-dessus.
Laques
contemporaines, pseudo-laques
Longtemps, de pseudo oeuvres laquées, réalisées en fait avec de la peinture à
l'huile, parfois avec des produits plus élaborés (dont le "vernis
Martin", datant du XVIIIème, appliqué en une multitude de
couches et avec lequel ont été réalisées des compositions dites "Chipolin"
qui ont aujourd'hui une grande valeur), ont été
fabriquées et vendues en Occident.
Parallèlement, des laques au polyuréthane ou
glycérophtaliques appliquées à la brosse (soie de porc) ou à l'aérographe
(pistolet) tendent à devenir très courantes dans certaines disciplines
décoratives. De même, quelques artistes peintres utilisent le polyuréthane pour réaliser leurs
tableaux (support bois). Le choix du liant peut dans ce cas s'avérer
particulièrement déterminant quant à la conservation.
Pour ces produits synthétiques, une hotte
aspirant le "brouillard de laque" ou une combinaison sont parfois nécessaires.
Il existe d'autres produits plus ou moins récents (comme le vernis flatting)
dont l'application ressort davantage de la mise en valeur du bois que des
techniques artistiques et décoratives habituelles et traditionnelles.
Laques
décoratives, patines et laques artistiques
Les premières sont destinées à embellir des objets , les secondes, des oeuvres d'art (notamment les statues
que l'on peut patiner de cette manière), les troisièmes
constituent parfois en elles-mêmes des oeuvres d'art de très grande qualité. Dans ce dernier cas, elles peuvent être
réalisée d'une manière substantiellement différente :
* entre l'apprêt et la première couche de laque, une image peut être
peinte. Rien n'empêche, nous l'avons testé, de réaliser en sous-couche une aquarelle
par
exemple. Il vaut mieux utiliser une peinture à l'eau ou en tout cas une
technique ne formant pas un film épais dont les accidents seraient
démesurément accentués par la laque
* lors du laquage, des tracés pigmentés et même, dans certains cas, des incisions au ciseau peuvent être réalisés dans l'épaisseur de
la gomme solidifiée (voir plus
loin).
Selon nos sources, en Asie, les différentes peintures à la laque ne sont
pas vraiment considérée comme un art au même titre que la peinture bien
qu'elles nécessitent des savoir-faire d'un niveau extrêmement élevé. Les
chefs d'oeuvre sont cependant reconnus à leur juste valeur. Il s'agit juste de
deux domaines distincts, tout comme, en Occident, la peinture et l'architecture,
sur lesquels on porte un regard différent. Nous reconnaissons les
deux disciplines mais ne leur donnons pas le même statut artistique. A tort, peut-être,
car le regard de nos aînés ne fut pas toujours aussi catégorique.
Laques incisées,
incrustations
En théorie, il est possible, dans certaines conditions, de réaliser de petites incisions dans l'épaisseur de la
gomme et/ou le gesso de sorte à combler ensuite les creux créés avec des poudres
métalliques ou pigmentaires. L'incrustation de très menus objets est
également réalisable au cours du laquage. Il s'agit de feuille d'or, de
morceaux de nacre, de coquilles d'oeuf, d'ivoires
divers, de petites pierres ou cristaux, d'ambre,
etc...
Dans la réalité expérimentale, l'incision dans l'épaisseur d'une gomme
laque décirée est plus qu'hasardeuse. Il vaut mieux choisir une variété non
décirée. Remarquons d'autre part que les laques chinoises
ne sont pas toujours épaisses, que la technique de l'incrustation n'est pas la plus
pratiquée et que les laques employées sont de natures variées. Voir ci-dessous,
laques ciselées.
Laques ciselées
La laque ciselée pékinoise - un procédé parmi beaucoup d'autres dans ce très
vaste pays - serait souvent réalisée à l'aide de gomme végétale (comme
la laque japonaise).
Des laques à base de la gomme du Coromandel, d'origine animale (KEHUI),
seraient
aussi utilisées. Dans cette discipline, l'artiste cisèlerait dans l'épaisseur de la laque
et même jusque dans l'apprêt, dont l'importance devient donc majeure. Il emploierait
un fer en V.
Certains d'entre nous ont essayé cette technique du ciselé. Conclusions :
* avec la variété décirée, le ciselé et le rayé sont pratiquement
impossible
* la variété cireuse autorise ces techniques. On arrive vite au gesso.
Apprêt
pour laques ciselées
Il s'agit d'un gesso adapté à l'incision, la ciselure, donc très épais
(environ 5 mm). Nous
avons testé les gessos acryliques habituels qui donnent un résultat exécrable
pour de véritables entailles : ils sont trop caoutchouteux. Ils ne conviennent
qu'au grattage.
Voici une recette réalisable avec des ingrédients disponibles en Europe :
* 90g de colle de peau (concernant la préparation de ce produit, lire l'article
qui lui est consacré)
* 1,2kg de blanc de Meudon ou d'une autre terre
blanche + un peu de blanc "franc" : lithopone, titane
ou zinc.
* un litre d'eau
Mélanger et laisser reposer une nuit au réfrigérateur.
La première couche est appliquée à la taloche
(par exemple). C'est seulement la seconde
qui est lissée à la spatule ou mieux : au sabre
d'encollage. Il faut un minimum de douze couches en alternance couche
grossière/couche lissée. La dernière couche doit être particulièrement
lisse. Tout relief, toute rayure apparaîtra de manière accentuée lors de
l'application de la laque.
D'autres procédés peuvent évidemment être employés s'ils recellent
les mêmes qualités : permanence, résistance, épaisseur, surface lisse -
d'où un hypothèse : les mélanges caséine-chaux
devraient
pouvoir convenir. Nous ne les avons pas encore testés.
Autres apprêts pour
laques
L'apprêt est destiné à offrir le support le plus lisse possible.
En Chine, il est traditionnellement constitué de sable de rivière + charbon
de bois + argile cuite + brique pilée et autres
composants (liants, poudres).
En Europe, les apprêts traditionnels les plus courants ont probablement été la
colle de peau de
lapin (voir recette ci-dessus) et
la caséine qui peuvent convenir. L'important est que l'enduit ne soit jamais gras, qu'il accroche bien et qu'il offre
une surface lisse.
Surtout, il faut de toute manière adapter l'apprêt au travail qui va être réalisé
au-dessus. Particulièrement, un gesso épais (voire du véritable plâtre) est nécessaire lorsque l'on
souhaite pouvoir réaliser par la suite des incisions. Dans les autres cas,
quelques couches suffisent.
Il est possible de pigmenter certaines couches de votre gesso afin de
faire apparaître différentes couleurs en fonction de la profondeur du grattage
ou de l'incision.
Enfin , il faut aussi considérer le problème à l'envers : la gomme laque
sert elle-même couramment d'enduit, notamment pour le plâtre nu. Elle tolère
en effet l'application de différentes peintures dont l'huile et l'acrylique.
Choix du
support et encollage
Incroyable mais vrai : la laque de Coromandel
accroche - et intimement - sur une couche d'huile de lin parfaitement sèche !
Par conséquent, un bois qui a été traité avec cette huile peut être un bon
support pour une laque.
Encore plus incroyable : elle tient parfaitement sur le métal ! Bien sûr,
nous n'avons pas testé tous les métaux, mais un laiton ou un fer non rouillé
conviennent.
Cependant, le support le plus couramment employé est le bois.
Support bois
Le contre-plaqué est vivement conseillé par certains auteurs qui boudent le
latté dont les lattes "finiraient par transparaître". Un peu
étonnés par cette affirmation étant donné la longévité des assemblages par
lattes, procédé très utilisé pour la peinture depuis des siècles, nous ne
nous prononcerons pas en défaveur de ces supports car en plus nous les avons testés
avec succès !
Une chose est certaine : le support doit être assez épais et à défaut de
l'être, il doit être renforcé (tasseaux, châssis).
Voir Le bois.
L'application recto-verso d'une tarlatane
(plus anciennement, une toile de lin ou de chanvre) sur le bois accompagne
l'encollage pour certaines techniques. Pour qui souhaite utiliser une colle de
peau, un dosage très fort à 16 grammes serait recommandé. Les colles synthétiques
peuvent donner de bons résultats de même que les enduits à la caséine
très légèrement glycérinée. La toile consolide le support. Nous avons cependant remarqué
qu'elle n'est pas toujours indispensable.
Un
outil d'application typique : le tampon
Un article séparé lui est consacré.
Il est surtout adapté au grandes surfaces, aux larges aplats. Sauf pour un
maître laqueur rompu à l'emploi du tampon, le pinceau demeure un outil
irremplaçable pour une application locale.
Les accidents de surface et l'application
La question du lissage est relativement importante pour la laque. Il serait
en effet dommage de "manquer la dimension du toucher".
Le ponçage, soit disant, selon certains auteurs européens, "nécessaire, à chaque couche, pour effacer les
accidents de la surface", est en fait irréalisable avec la gomme laque
de type Coromandel, nous l'avons vérifié et des professionnels de l'ébénisterie
nous l'ont aussi confirmé.
D'ailleurs, l'application traditionnelle de la laque à l'aide d'un tampon (voir ci-dessus)
ou même d'un banal pinceau permet d'obtenir une surface déjà extrêmement lisse.
Les empreintes laissées par les brosses sont
discrètes : la laque semble s'étaler toute seule. On peut cependant l'aider en diluant
davantage le liquide (avec de
l'éthanol). La
surface ajoutée localement aura cependant toujours tendance à former un relief,
surtout le long des contours. Ce relief s'accentuera toujours au fil des couches
superposées. C'est à cet inconvénient que l'on mesure les limites d'un emploi
non traditionnel de la laque. Cela ne doit absolument pas arrêter l'artiste
contemporain.
En peinture contemporaine, les accidents et les
imperfections sont souvent recherchés. Les disciplines décoratives
nécessitent souvent une finition qui exaspèrerait les artistes d'aujourd'hui
et même des cent cinquante dernières années. Il y a quand
même lieu de préciser que les accidents obtenus en peinture à la laque
peuvent mener à des résultats excessivement incontrôlables et qu'un coup de
main doit être acquis par l'expérimentation pour tirer parti au final des
propriétés spécifiques à ce type de produits, comme pour toute technique
picturale.
Polissage,
lissage
Le polissage, évoqué par certains auteurs occidentaux, ne semble pouvoir
être réalisé sur des travaux effectués avec la gomme laque de Coromandel. Il
semble qu'il y ait confusion avec d'autres produits ou techniques mixtes.
Le lissage au chiffon doux est par contre tout à fait adapté.
Finition
En ébénisterie, il n'est pas rare qu'une laque soit recouverte par une encaustique.
Cette pratique ne se justifie pas systématiquement : avant de commencer son
travail, l'artiste ou l'ébéniste choisit précisément une laque cireuse ou
décirée pour obtenir un aspect plus ou moins brillant et une sensation
précise au toucher. L'encaustique ne l'intéresse que s'il souhaite un
résultat vraiment mat ou satiné.
Une couche protectrice peut aussi être nécessaire dans certains cas. Une
huile à peindre peut être utilisée. Il faut appliquer en tamponnant, surtout
pas en brossant : une couche vraiment très fine est largement suffisante alors
que le séchage d'un film épais est très long et peut poser des problèmes. Évidemment,
l'application d'une huile réduit à néant la sensation particulière que peut
offrir une laque au toucher.
Laque
de Coromandel, huiles à peindre, peintures aqueuses et techniques mixtes
Comme on l'a dit, la laque de Coromandel et l'huile de lin (ou tout autre
huile à peindre) ne sont pas compatibles en mélange car leurs
diluants diffèrent radicalement. Cependant, une peinture grasse (huile,
encaustique, mélange des deux) peut être apposée sur une couche de laque
sèche et vice versa. De même, une
aquarelle - et sûrement d'autres peintures aqueuses - peut parfaitement être
réalisée en premier lieu, en sous-couche avant application de la laque.
D'un point de vue artistique, l'aquarelle peut servir à
déterminer un motif servant de base de travail. La laque qui la recouvrera en
transformera radicalement l'aspect (brillance, coloration globale ou locale). L'huile
et l'encaustique peuvent altérer
cet aspect, ce qui peut être mis à profit surtout à l'échelle d'une surface locale. Des effets de profondeur peuvent
être créés grâce à l'épaisseur de la couche de laque. L'ajout final de
tracés opaques peints à l'huile donne un effet saisissant, profond,
mystérieux et ensorcelant.
D'un point de vue technique, la peinture décorative nous
enseigne, une fois de plus, des possibilités très intéressantes d'emploi de
la laque comme ISOLANT. Entre deux couches (la première étant bien sèche)
dont on veut éviter les interactions, une couche de laque est un isolant
couramment utilisé par exemple dans la réalisation de faux marbres.
Nos
impressions
En conclusion, après expérimentation, il nous semble que la laque, les
laques, sont des mondes à explorer par les artistes,
quitte à ne pas respecter les anciennes règles traditionnelles, liées à des
recherches esthétiques précises qui aujourd'hui ne correspondent pas forcément aux
aspirations et à la créativité spécifique que nous avons acquises
progressivement "en peu de siècles" si l'on peut dire.
La limpide laque de Coromandel décirée et décolorée présente des ressemblances
avec certaines peintures en glacis occidentales, mais offre des sensations nouvelles
dont la plus
surprenante concerne le sens du toucher. Sa brillance naturelle est
de l'ordre du phénoménal : on dirait un liquide, même quand elle est
sèche (variétés décirées uniquement, rappelons-le).
Cette propriété est peut-être à l'origine de son nom puisque AQUA, KWA, LAC
désigneraient, dans toutes les langues humaines malgré quelques variations,
l'EAU - selon certains linguistes. Lakshmi, bellissime déesse hindoue, épouse de
Visnu, serait d'ailleurs née de l'océan, à l'instar d'Aphrodite. Un tel attribut
océanique et unificateur pourrait éventuellement avoir eu une portée symbolique
dans le choix de ces appellations. Quelques informations complémentaires peuvent
être trouvées dans un passage du courrier des
lecteurs.
Malgré notre enthousiasme, il nous faut rappeler une dernière chose, très
importante, à nos visiteurs : la laque de Coromandel ne supporte VRAIMENT PAS
les gros écarts de température. Ne JAMAIS poser une oeuvre près d'un
radiateur, lui éviter l'éclairage solaire direct prolongé. Moyennant ces
précautions, une laque peut être conservée pendant des siècles.
Voir aussi Gomme
dite de Xanthan ou de Botany Bay.
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