Ne nous
lamentons pas : lier le
pigment, fabriquer la couleur, c'est découvrir une
nouvelle beauté, de nouvelles
caractéristiques picturales d'une richesse inouïe
notamment sur le plan plastique.
Voir un
pigment n'est pas une couleur.
Toute
personne cherchant des informations sur les couleurs
à proprement parler, c'est-à-dire les noms et les
caractéristiques scientifiques des couleurs et non
des seuls pigments, est invité à visiter l'excellent pourpre.com.
Voir particulièrement
La
couleur expliquée,
les
nuanciers et aussi d'étonnantes
curiosités. Le versant linguistique est
également passionnant. Le thème est largement abordé
dans la section "La
couleur et la langue".
La finesse de la
pulvérisation, facteur essentiel
Xavier de
Langlais l'affirme à juste titre : plus un
pigment
est broyé finement, plus il est couvrant et colorant.
Une poudre très fine
oblige en effet la lumière à employer une infinité de
trajectoires qui
empêchent toute transition de celle-ci dans les couches
inférieures, donnant
à la couleur un grand impact visuel, très enrichi -
voire saturé.
N'importe quel pigment peut voir ses
propriétés se
transfigurer sous la seule influence d'un broyage plus
ou moins fin.
Aujourd'hui, tous les pigments sont
broyés très finement
grâce à l'évolution de la technique industrielle.
Et pourtant, les grands maîtres flamands
et vénitiens
n'ont-ils pas considéré la transparence comme une vertu,
largement mise à
profit dans leurs oeuvres inégalées ?
Et un smalt, un
lapis
lazuli, une malachite,
une turquoise
ne sont-ils pas plus beaux lorsqu'ils sont "mal
broyés" ?
La "perfection du broyage" évoquée par
le grand
maître armoricain consiste-t-elle vraiment en une
finesse infinitésimale, ou
bien en une bonne adéquation à "l'intention picturale"
de l'artiste
?
Prenons le pigment pour la perfection...
qu'il est ! C'est l'un des
rôles de l'artiste de savoir regarder, soit en
l'occurrence de savoir découvrir la remarquable
réalité d'un pigment qui pourrait sembler imparfait
selon des critères
finalement très marqués par l'évolution ponctuelle des
techniques et des
goûts.
Facteur couvrant
(opposé : transparence)
Le terme "couvrant" provient
probablement de la
peinture décorative. Une question récurrente dans ce
domaine est en effet de
savoir quelle surface une peinture ou un enduit peut
"couvrir".
Une substance colorée "couvre" une
surface d'autant
plus importante qu'elle est opaque (notamment parce
qu'il y a toujours des moyens de la diluer ou de lui
adjoindre des
charges incolores). Ainsi, le terme "couvrant"
s'est
substitué, y compris en peinture artistique, au terme
"opaque".
Plusieurs facteurs déterminent le
caractère couvrant d'une peinture :
* la finesse du broyage
(voir
ci-dessus),
*
l'opacité intrinsèque du pigment, qui est déterminée
avant tout par sa nature à l'échelle de l'organisation
moléculaire, mais aussi par la finesse du broyage. La
nature physique, organique ou inorganique, est
essentielle avant tout parce qu'elle est très variable
d'un pigment à l'autre. En termes de tendances, les
pigments organiques (carbures
synthétiques, végétaux ou animaux) sont généralement
assez transparents
alors que les inorganiques (minéraux) sont souvent
opaques.
Voir
Organiques vs inorganiques.
* la
manière dont le liant enrobe le pigment. Cela est
directement déterminant lorsqu'il s'agit de liants
minéraux. La blancheur "couvrante" d'un plâtre employé
comme liant est radicalement différente de ce que l'on
peut obtenir avec de la chaux. Quant aux liants
organiques, de loin les plus courants, ils peuvent
autoriser diverses épaisseurs, ce qui n'est pas sans
conséquences sur l'aspect opaque ou transparent du
résultat final.
* l'état
de la pâte est aussi très déterminant et ce n'est pas
une chose que l'on peut se permettre d'oublier.
Certains liants sont blancs et opaques lorsqu'ils sont
frais et transparents à sec. D'autres accentuent la
transparence lorsqu'ils sont frais.
Il existe aussi quelques "tricheries"
qui permettent de mesurer à quel point le "facteur
couvrant" est un enjeu important. Certaines peintures
dites couvrantes comme la gouache
n'étaient autres initialement que des peintures
habituelles auxquelles on avait ajouté un pigment blanc
afin d'en augmenter la réfraction. A l'inverse,
certaines couleurs à l'huile intitulées "laques" sont
des pigments couvrants adjoints de
charges incolores.
Si le liant et les adjuvants peuvent
jouer un rôle sur le caractère couvrant d'une peinture,
les propriétés des pigments dominent nettement, à tel
point que des pigments couvrants et des charges sont
parfois employés pour modifier cet aspect essentiel de
la couche picturale.
Facteur colorant
Couvrant ou transparent, un pigment est
susceptible de teinter plus ou moins ce qui l'entoure.
Cette capacité prend tout son intérêt lors de
l'adjonction à la pâte de substances incolores (médiums,
charges).
Le "facteur colorant" n'est pas un
caractère très sensible a priori car il est souvent
masqué par le "facteur couvrant". On a généralement du
mal à se représenter en quoi un pigment est plus
colorant qu'un autre tant que l'on ne s'est pas trouvé
en présence de variétés très colorantes comme
certains oxydes de
fer notamment. Et là... la surprise est de taille.
Permanence
(fixité, solidité, tenue à la lumière)
Faculté qu'a un pigment de conserver
longtemps ses propriétés :
intensité, vivacité et justesse de la couleur,
fonction couvrante, etc. C'est l'exposition à
la lumière qui est considérée globalement comme le plus
important facteur d'altération. La lumière solaire
directe est rarement conseillée mais il faut signaler
que certains pigments minéraux (notamment les
terres) lui résistent fort bien.
Le cas particulier des matières
photoluminescentes est traité séparément sur ce site. Cliquer ici.
Par analogie avec les substances
tinctoriale, la permanence est parfois nommée le
teint.
Aptitude à la floculation (granulation)
Cette propriété est importante pour
l'aquarelle notamment. Elle
n'est pas négligeable en ce qui concerne les peintures
fortement diluées,
quelles qu'elles soient. Elle n'est d'ailleurs pas sans
importance pour d'autres matières utilisées en arts
plastiques (voir barbotine).
Les pigments
à base de terres,
particulièrement, sont réputés pour leur tendance à
s'agglomérer en
granules, en flocons. Sous l'action du séchage, ces
agglomérats se déposent
dans les creux, colorant les surfaces peintes d'une
manière hétérogène, marquant le relief du support.
Ainsi, un support choisi pour son grain
tirera bénéfice de la floculation du piment apposé.
Certains fabricants d'aquarelles
extra-fines affichent sur
leurs nuanciers un indice permettant de repérer les
couleurs ayant ce pouvoir.
Pour les cas - très rares - où ce
phénomène est radicalement à éviter, il semblerait
recommandé, lors du choix du pigment, de porter une
grande opération à l'opération de mouillage.
Une
molette pigmentaire peut être utilisée.
Dans d'autres domaines - incluant
l'industrie -, un
défloculant est un produit permettant d'accentuer
l'homogénéité d'un
mélange, d'une émulsion.
Pouvoir d'absorption et pouvoir siccatif
Nous l'avons testé pour vous :
rien de tel que de parler à un chimiste de
"siccativité d'un pigment"
pour le voir esquisser un sourire amusé.
Certains enseignants, certains ouvrages pédagogiques,
certains peintres, font effectivement - comme
tout le monde, très naturellement - une confusion entre
capacité d'absorption et aptitude au séchage
ou
à la siccativation.
... et ce chimiste moqueur n'a
pas tort : un pigment pur est solide. Il ne peut ni
sécher ni
siccativer. Il peut se combiner
plus ou moins rapidement avec tel ou tel liant en
fonction de sa propre aptitude à
entrer en solution, à absorber.
C'est essentiel. Par la suite, c'est le liant qui sèche,
aidé ou non par le pigment. Celui-ci joue un rôle de siccatif
seulement s'il contient un véritable élément siccatif
pour le liant utilisé, ce qui n'est pas
si courant.
Un pigment siccatif pour l'huile n'est pas forcément
absorbant et n'accélère
pas le séchage d' un autre liant. La
faculté d'absorption d'un pigment
est une propriété différente de la siccativité.
La confusion concerne principalement la peinture à
l'huile car les autres procédés permettent d'obtenir
beaucoup plus rapidement une solidification sans qu'il
soit question de
siccativation.
Concernant la siccativité
indépendamment
du pouvoir absorbant,
de nombreux auteurs annoncent peut
être un peu trop jovialement "l'excellente
siccativité" de tel ou tel pigment ou au
contraire "l'exécrable siccativité" de tel
autre (quelquefois avec une animosité surprenante - cela
sent l'expérience
vécue !). Or, il ne
s'agit, dans les deux cas, ni de qualités ni de défauts.
Un pigment contenant
une quantité non négligeable d'éléments siccatifs crée
le même danger potentiel qu'un pigment neutre
: la
véritable menace est surtout un trop grand "différentiel
de siccativation"
lorsque sont mises en contact des couches contenant des
pigments n'ayant pas les mêmes propriétés. C'est
en premier lieu ce
"différentiel" qui crée des accidents :
plissements, craquelures, embus
irréductibles,
etc.
Il est cependant parfaitement vrai que les pigments
contenant un élément particulièrement siccatif (oxydes
de manganèse, de cobalt) peuvent aussi engendrer des
phénomènes mécaniques gênants lorsqu'ils sont employés
seuls, surtout en pâte épaisse.
Ainsi, le bleu de manganèse, par exemple, n'est
pratiquement jamais utilisé en
peinture à l'huile.
Curieusement, une bonne
partie des pigments peu
couvrants (laques, terre verte,
etc.) ont la réputation
- le plus souvent erronée - d'être
peu "siccatifs". Voila une troublante
coïncidence ! Ce problème de siccativité
n'est-il pas lié à une erreur au liage causé par une
forte transparence
intrinsèque dont on n'a pas su tenir compte ?
Une évidence apparaît lorsque nous
explorons le monde pigmentaire, une évidence qui
marque notre ligne éditoriale :
c'est le peintre qui doit
s'adapter aux propriétés des pigments et non le
contraire
car les couleurs
ne sont jamais sans défauts pour certaines
utilisations et les solutions alternatives ne
sont pas innombrables. Le terme même de "pigment ou
colorant douteux" n'a pas de sens.
Stabilité
dans les mélanges (miscibilité) :
compatibilités
et incompatibilités
a) Plomb et
soufre
D'abord, il faut rappeler que le plomb
est un métal lourd qui n'est pas anodin pour le vivant.
En peinture et dans d'autres domaines
proches, c'est l'incompatibilité
entre soufre et plomb qui est de loin
la plus notoire, particulièrement dans le procédé à
l'huile où le recours au plomb est encore pratiqué. La
mise en présence de ces deux éléments provoque
un noircissement très
important.
Les fabricants de peinture en tubes ou
de gammes de pigments veillent généralement à éviter
cette
rencontre. Ils y parviennent par trois moyens :
* supprimer les deux
composants (rare)
* supprimer l'un des
composants (courant)
* éliminer l'excédent de
soufre libre, non moléculaire.
Ainsi, si le plomb a heureusement
disparu des tubes et pots de pigments (sauf
le blanc d'argent, encore
disponible sous certaines
enseignes, voir photo), le soufre est encore très
présent. Ce dernier est avant tout un "adjuvant" (en
fait un composant)
indispensable pour le cadmium
et les blancs
naturels, mais aussi l'outremer
et de nombreuses
autres couleurs-clés. Difficile de s'en passer !
Certains fabricants de
produits de haute qualité ont
distingué leurs pigments en groupes : un groupe
miscible au plomb et un groupe
de couleurs miscibles entre elles.
Utiliser un pigment sulfuré ne pose guère de problèmes
en soi mais en peinture à l'huile, cela
en pose un de taille :
le meilleur
siccatif n'est autre que l'oxyde de plomb !
Courtrai
blanc ou brun, flamands, Harlem,
"huiles cuites", siccatifs "classiques" et litharges
peuvent être incompatibles avec les pigments
sulfurés lorsque ceux-ci ne sont pas suffisamment
"lavés" de leur soufre non moléculaire.
Pour cette raison, tous les éléments
recelant du soufre sont marqués dans
notre site du signe suivant :
Les substances contenant du plomb sont
accompagnées de l'image
suivante :
ATTENTION :
ce n'est pas parce qu'une matière contient du soufre
qu'il y a forcément risque de réaction. Le soufre libre,
sorte de déchet des préparations incomplètes, est
autrement plus fauteur d'interactions que le soufre
moléculaire. Sans comparaison, c'est indéniable. Mais
nous parlons là de phénomènes qui se déroulent à une
échelle "probabiliste", en liaison notamment à
l'électronégativité des
atomes en présence, qui détermine en partie la solidité
des liens. Il arrive que certains corps se "cassent", en
présence de chaleur notamment. Ne soyons pas
alarmistes : seuls des corps complexes (par exemple
les polysulfides),
souvent plus fragiles, sont véritablement concernés mais
pas en tant que pigments, plutôt comme supports - rares.
Autrement dit, notre avertissement vaut non pas
univoquement mais principalement pour le cas
précis des pigments
insuffisamment préparés, par exemple les
vieux pots de cadmium. Les techniques de préparation
semblent avoir évolué dans le bon sens. Cependant, il
demeure une méfiance (y compris chez certains
fabricants,
voir ci-dessus) et nous ne sommes pas du
tout en mesure d'opposer davantage d'arguments à
celle-ci pour le moment.
Pour réduire cette méfiance, nous pensons que les
fabricants de produits de qualité auraient sans doute
intérêt à communiquer davantage à ce sujet à l'aide
d'arguments scientifiques et/ou historiques relativement
détaillés à l'intention du public - qui d'ailleurs
apprécie toujours, à juste titre, que l'on s'intéresse à
lui.
Certains auteurs prétendent que le
chrome pose le même problème que le
plomb : il serait incompatible avec le soufre. En
réalité les pigments jaunes
et orangés chromés -
aujourd'hui rares car avérés toxiques et même très
toxiques sous une certaine
forme - étaient associés à du plomb. Les chromates de
plomb
noircissaient donc effectivement au contact du soufre,
mais pas par la faute du
chrome (hypothèse non confirmée).
Ce dernier reste finalement très présent sur les
palettes sous des formes
sans danger : vert
oxyde
de chrome, vert
émeraude.
Il semble par contre que le vert
Véronèse authentique, pourtant composé d'arséniate
de cuivre - donc ni
de plomb ni de soufre - et heureusement introuvable
aujourd'hui, est vraiment réactif au
soufre, voire même au plomb selon certaines sources. Cet
épouvantable poison a cédé la place à des
imitations
moins malsaines et plus stables.
b)
Pigments trop alcalins et peintures grasses
Le liant d'une peinture grasse est un
ester d'acide gras.
L'emploi de pigments alcalins comme les
terres blanches avec un liant tel qu'une huile à
peindre peut provoquer une
saponification. Cela
se traduit généralement par un brunissement qui
s'accentue au fil des années.
Brillance
Les pigments sont en eux-mêmes plus ou
moins brillants, indépendamment de l'aspect que leur
confèrent les liants et les médiums, capables de modifier
considérablement ces caractéristiques.
Dans l'ensemble, les pigments organiques
sont brillants et les inorganiques, mats.
Certains pigments généralement
synthétiques sont littéralement "dédiés à la
brillance" : les
pigments interférentiels ou iridescents et les
pigments métalliques.
Toxicité,
précautions
Les pigments ne sont pas tous des
produits anodins. La réglementation en matière
d'obligation, pour les fabricants, de faire apparaître
un pictogramme d'avertissement, est fluctuante en
France. Certaines marques nord-américaines portent le health
label, qui ne peut être attribué que moyennant
finance, ce qui n'implique a priori ni une
garantie d'impartialité ni le contraire.
Nous conseillons à nos lecteurs
européens de tenir compte (ni plus, ni moins) de tout
avertissement, dans l'attente d'une réglementation
claire durablement établie dans l'ensemble de l'Union
Européenne. Dans les cas des autres pays francophones et
des autres pays non francophones non européens, nous ne
sommes malheureusement pas en mesure de nous prononcer à
ce jour, mais
toute information sera bienvenue.
Certains pigments arborent des
pictogrammes.
Les pigments toxiques
(pictogramme
ci-contre). Ils sont hautement dangereux. Il vaut mieux
les
acheter sous forme liquide ou semi-liquide et éviter
tout type de contact. Le port de masques
adaptés, de gants et d'autres matériaux de protection
s'avère nécessaire
dans la plupart des cas. Il est vivement conseillé de
s'informer des
mesures à prendre auprès des services spécialisés (voir
Art,
sécurité, pollution).
Les pigments nocifs
- voir pictogramme
ci-contre. Ils doivent être manipulés et stockés avec
quelques
précautions élémentaires : travailler
dans le calme,
tenir loin du visage les pots de pigments ouverts, ne
les ouvrir que recouverts
d'un plastique transparent ou d'un papier empêchant la
poudre de se répandre dans l'air lors
des quelques secondes qui suivent cette opération, les
fermer dès que
possible, se laver les mains souvent, éviter tout
contact
cutané durable avec ces produits, les stocker hors de
portée des enfants et des animaux.
Pas de panique
: ces produits, contrairement aux
pigments toxiques, n'ont une
action pathogène que dans le cadre d'un usage répété
dans de
mauvaises conditions ou bien dans le cas d'une
inhalation massive ou d'une
ingestion.
Références centres antipoison (espace
francophone) : cliquer
ici.
Un pigment n'est
pas une couleur
Les considérations chimiques et physiques évoqués
ci-dessus nous
rappellent une chose essentielle : un
pigment n'est pas une couleur.
C'est une matière. Sa composition est plus ou
moins précisément définie.
Très souvent, en réfléchissant une lumière, elle en
absorbe une partie qui
devient ce que nous nommons "sa couleur". Fait tout
aussi
déterminant, celle-ci est altérée à la fois par le type
de source(s) de
lumière et par l'environnement : liants, adjuvants,
support
et bien sûr éclairage et atmosphère. Et ne parlons même
pas de l'oeil de l'observateur (cf.
L'oeil
et
Observer
sur Pourpre.com), qui est l'autre moitié du
phénomène.
On en vient donc naturellement à se demander ce
qu'est une couleur.
Une lumière qui nous parvient est
caractérisée par ce que les
physiciens nomment un spectre
(voir photo ci-contre -
remerciements à Alain
Klotz). Le spectre,
c'est, parmi l'ensemble des rayons
lumineux de toutes les longueurs d'onde possibles,
ceux qui
parviennent réellement à nos yeux, réparties en raies,
c'est à dire en
fréquences. Le bleu occupe telles fréquences, le jaune
telles
autres, etc. Certaines "raies" peuvent être émises
(raies
d'émission), d'autres figurent l'absorption de la
lumière émise (raies d'absorption - lire notamment le
chapitre XII des Dialogues de Dotapea sur
Le jaunissement).
Chaque
raie est représentative de la présence et de l'état
d'un élément ou d'un ensemble d'atomes dans le champ
visé.
Pour un corps donné, certains
rayonnements peuvent soit ne pas avoir été émis, soit
ne pas avoir été
réfléchis, soit avoir été absorbés. De plus,
il faut tenir compte de l'intensité du rayonnement
pour chaque longueur d'onde
(voir
par exemple diagramme in Le
corps noir) et ceci pour
chaque phénomène : réverbération, absorption,
émission.
L'approche purement
physique est donc plutôt centrée sur le rayonnement.
Elle décrit essentiellement
les couleurs en termes de raies d'émission, de raies
d'absorption et
d'intensité du rayonnement pour chaque raie - "point
de vue" qui ne
peut être ignoré car il décrit une réalité concrète.
Cependant,
dans le contexte des arts plastiques comme dans la vie
courante,
la couleur prend davantage le sens de phénomène cognitif.
Sur la base
des impulsions électriques provoquées par une bouffée
de photons percutant la
rétine, nos neurones peuvent interpréter le
monde : "je devine"
qu'entre le pigment et moi il y a un air brumeux, je
devine l'heure qu'il est et
la saison en fonction des couleurs que j'observe, mais
je devine aussi les émotions d'un
être vivant, la passion d'un peintre, etc. Quelquefois
aussi, "je me
laisse berner" par de pures illusions. Lire
Les
illusions
in Pourpre.com.
La
couleur est certainement, à notre sens humain, un
phénomène
principalement "imaginaire".
De cette dimension imaginaire
sont nées toutes sortes de
tabous, de "peurs
bleues",
de connotations et de préférences imbriquées dans des
dimensions
culturelles ancrées
notamment dans la langue (lire
Des
couleurs sur
la langue in Pourpre.com). Il en va de
même pour les pigments. A ce
point de vue, le statut des pigments est souvent
associé directement à celui
des couleurs, mais des exceptions ont existé. Par
exemple, la pourpre succéda
probablement au safran pour des raisons religieuses ou
politiques associées au
coût exceptionnel de ces deux substances en plus des
symboliques de leurs
teintes. En Inde, certains colorants précis ne
devaient pas être touchés
tandis que d'autres, comme le curcuma notamment,
continuent aujourd'hui à
porter bonheur. Le lapis-lazuli survécut à une
certaine phobie occidentale du
bleu car il avait une valeur intrinsèque. Il existe
certainement d'autres
exemples car l'être humain n'a jamais pu ignorer
intégralement - même dans
l'intégrisme - la dimension matérielle du pigment.
Variabilité de la
composition et de la couleur d'un pigment
Un pigment n'est vraiment pas une couleur. En peinture
décorative, une pratique est assez courante :
mélanger les pots de peinture ou de pigments d'une même
couleur pour obtenir un maximum d'homogénéité. C'est
dire à quel point un pigment ne correspond que de
manière statistique à une couleur. Les peintres
décorateurs savent bien que de multiples facteurs
intervenant
sur le lieu d'extraction, d'apuration ou de
synthèse peuvent
donner lieu à des produits, donc à des couleurs
sensiblement différentes.
Une expérience édifiante consiste à comparer deux tubes
ou deux pots de
pigments censés être de la même couleur.
Dans une certaine mesure, les écarts ne sont pas des
défauts, surtout en ce
qui concerne les
pigments minéraux. Les fabricants ont les limites
que la
nature impose : les gisements sont ce qu'ils sont
et c'est au peintre, artiste
ou décorateur, qu'appartient la tâche de gérer les
différences de
composition avec tout ce que cela induit en termes de
couleurs, de siccativité,
de pouvoir absorbant, etc.
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