Mauvaise absorption
Quand nous évoquons ici des pigments réputés "absorbant
mal", nous entendons "mal" dans les deux sens possible :
trop lentement ou trop rapidement. Nous distinguons par ailleurs le caractère
absorbant d'un pigment de sa siccativité (présence d'un élément siccatif). Il
n'est pas exceptionnel que ces deux propriétés soient confondues dans le
contexte de la peinture à l'huile.
Il faut d'ailleurs préciser que la "prise d'huile"
n'est pas la "prise d'acrylique" par exemple. Le caractère mouillant des liants
joue un rôle de premier plan.
Selon la tradition, ces pigments sont :
les terres de Sienne. Plusieurs peintres parmi nous ont
effectivement constaté à maintes reprises le comportement très anormal
(notamment très absorbant au broyage, mais aussi lors de la
siccativation) de
ces très belles couleurs dans les traitements à l'huile, que ce soit sous forme
de tubes ou de pigment incorporé manuellement au liant. Lire l'exemple sur
les terres de Siennes dans la section
Pouvoir absorbant et siccativité in Les pigments, les couleurs.
les noirs. Bof ! Plusieurs auteurs en font tout un plat. Ivoire, Mars, Cassel,
finalement, ne sont vraiment pas si terribles et n'absorbent pas tant que
les Sienne par exemple. Avouons cependant que
nous n'avons pas encore testé le noir de fumée qui a une
réputation particulièrement déplorable. Lire notre article sur les
noirs.
les laques d'origine végétale ou animale. Là encore, la tradition, l'ouï-dire et le
bouche à oreille s'installent effrontément dans la durée et continuent de faire des dégâts
alors qu'il
n'existe pratiquement plus aucune laque fabriquée à partir de végétaux ou
d'animaux - variétés le plus souvent accusées. Le rouge kermès n'est plus extrait des oeufs de
cochenille et l'alizarine a été synthétisée dès 1868 par Groebe et Libermannv(voir anthraquinones). De fait, le
broyage des laques ne pose absolument aucun problème, leur pouvoir absorbant
étant tout à fait banal.
la
terre verte. Certains
auteurs ont été jusqu'à accuser ce merveilleux pigment de "faire
glisser l'huile". C'est vraiment une exagération incroyable ! La terre
verte a sa manière de réagir. Celle-ci ne pose aucun problème. Il faut
mélanger à peine plus que d'ordinaire le pigment et l'huile au début du
liage. Il est incompréhensible qu'un pigment si exemplaire à tous points de
vue soit encore l'objet de critiques aussi infondées.
le
blanc de titane.
Son imbibition est toujours un peu lente que celle d'un pigment "moyen". Il
a tendance à faire des grumeaux. Cela signifie qu'il faut prendre un peu
plus de temps avec ce pigment lors de la mise en présence d'un liant.
Après quoi il montre la tendance inverse : il absorbe très bien les
liquides, quoique sans excès, comme si une "réserve d'air expulsable"
demeurait en lui. Il n'est pas interdit de parier qu'il s'agit tout simplement de cela.
En tout cas, tout se passe comme si c'était le cas. Le
titane n'est-il pas un métal fort léger ? Est-ce un défaut ? Non.
Il suffit de prendre le temps d'imbiber ce pigment de manière homogène au
départ. En peinture à l'huile, on ne constate pas de problèmes de
siccativation à proprement parler (aucune comparaison n'est possible avec
les terres de Sienne mentionnées ci-dessus).
Au contraire, on remarque quelquefois que les pigments trop chargés d'huile
se bonifient lorsqu'ils sont mélangés avec un blanc de titane - y compris
lorsqu'il s'agit de peinture en tubes. Ces phénomènes sont des
particularités plus que des anomalies. Ils nécessitent une simple adaptation
au procédé de peinture et aux mélanges envisagés.
le bleu outremer. Aucun d'entre nous n'a détecté la moindre
anomalie dans les propriétés d'absorption de ce pigment remarquable,
injustement accusé par de rares auteurs.
Dans l'ensemble, les pigments accusés à tort d'absorber
mal ou trop sont avant tout les victimes de peintres quelquefois vraiment mal informés. Nous sommes
finalement assez
nombreux à estimer qu'il n'y a pas à proprement parler de mauvais pigments mais de mauvais broyages ou de mauvais
emplois. Qu'un pigment absorbe peu ou
beaucoup n'est pas un défaut mais une
caractéristique exigeant une adaptation de notre part.
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