Familles de couleurs
[Lecture conseillée :
Les
couleur dans la langue française, Pourpre.com]
En fait, il semble depuis peu
que le premier nuancier pourrait être plus ancien. Il daterait du
XVIIème siècle. Son auteur aurait été un astronome, Aron Sigfried Forius. A ce sujet, lire
Les nuanciers sur Pourpre.com
et
Les curiosités sur le même site.
Cependant, si Kevin Mac
Cloud, comme la plupart des auteurs, a pu commettre une petite erreur de
datation, il faut lui rendre justice pour avoir décrit une réalité
incontestable d'une dimension beaucoup plus déterminante : "En
réalité, les teintes d'autrefois étaient extrêmement variables, puisque
les décorateurs fabriquaient leurs mélanges sur place."
Voilà la réalité pratique,
celle du décorateur comme celle de l'artiste car finalement ce qui
compte, c'est le verdict de la palette !
Mais revenons à notre propos initial. L'exactitude ou
l'inexactitude d'une couleur ainsi que son appartenance à une "famille"
précisément définie sont donc des concepts relativement récents. Alors que notre
époque contemporaine nous a appris à utiliser des classifications chromatiques
qui nous semblent avoir toujours existé, prêtons nous un instant à un
questionnement concernant notre patrimoine conceptuel.
Différents peuples - y compris les peuples occidentaux -
n'ont distingué que tardivement dans leurs langues le bleu du vert, ou ont
assimilé le violet au noir ou le vert foncé au gris par exemple. Il est
d'ailleurs peut-être assez juste d'avancer que la
valeur prévaut souvent sur la couleur dans notre
perception, ce qui demeure particulièrement juste dans le domaine de la
composition. Il est possible que cela explique la lenteur de l'humanité à
identifier vraiment les couleurs. Cependant, de nombreux a priori idéologiques
(politiques, religieux) ont pu grandement contribuer à certaines confusions, à
certains retards.
Des traces de ces errements de la pensée se transmettent de
génération en génération sans doute parce que leur racine est historique, parce
qu'elles relèvent aussi d'anciens conflits de pouvoir mal élucidés, mal
cicatrisés.
Ce n'est pas pour rien que depuis très longtemps, des
rejets
a priori, des propos parfois violemment diffamatoires émaillent les "on
dit" qui circulent encore allègrement dans le monde de la peinture - comme, à
certaines époques, dans ceux de la religion et de la politique - au sujet de tel
ou tel pigment, de telle ou telle famille de couleurs (lire par exemple
l'introduction de l'article sur les jaunes).
C'est l'occasion de dire que toujours, à tous points de
vue, la couleur a encore besoin de lumière, malgré les progrès effectués.
Distinction des couleurs
Selon une information encore non confirmée,
notre système de vision présenterait certaines aptitudes préférentielles à
distinguer les nuances des verts, des jaunes et des bruns, mais serait
moins performant en ce qui concerne les bleus, mais surtout les violets, les
rouges et les orangés, moins importants dans notre environnement naturel. Toute
information scientifique complémentaire à ce sujet sera la
bienvenue.
Il n'est pas rare que tel ou tel maître déclare que "les bleus
éloignent", croyant pointer du doigt une valeur quasi universelle (le lointain,
dans la nature, sur notre planète, est bleuté ; le ciel lui-même est bleu).
D'innombrables peintres ont démontré d'innombrables fois que l'impression
d'éloignement provient en tout premier lieu du contraste, donc d'une donnée
relative, non d'une référence chromatique unique, immuable, et qu'une couleur ne
se révèle vraiment qu'en présence d'autres couleurs. Comme en physique, tout est
relatif.
Les artistes travaillant l'image (photographes, cinéastes, vidéastes,
peintres) n'ignorent pas qu'un noir juxtaposé à un vert paraîtra rougeâtre,
qu'un outremer placé près d'un violet paraîtra plus chaud qu'à côté d'un bleu de
cobalt. L'oeil cherche à séparer les nuances en les exagérant.
Il n'est donc pas tellement étonnant que l'être humain ait attendu si
longtemps pour fabriquer les premiers nuanciers tant il y avait lieu de
s'égarer. Il était bien plus facile de se raccrocher à des familles auxquelles
on attribuait telle ou telle vertu ou signification symbolique.
Les couleurs et
les yeux
Les yeux sont l'autre moitié du concept que nous nommons "couleur". Claude
Monet, opéré de la cataracte, paraît-il, aurait modifié sa palette après
l'intervention. Il ne s'agit pas d'un cas isolé.
Alors que nous cherchons très souvent une symbolique dans le choix des
couleurs, nous oublions qu'à cause d'un simple problème de cristallin - que l'on
peut traiter aujourd'hui en une opération de dix minutes -, un peintre peut
percevoir dix fois mieux le rouge et le jaune que le bleu, le violet ou le vert
!
Cruelle et humiliante réalité qui nous rappelle que seule la perception des
différences de valeurs (luminosités) est à peu près universelle... quand elle
est accessible.
Ce sont le
pigment et l'éclairage qui font exister la couleur
Ce que manipulent peintres et plasticiens, ce sont des
pigments bien matériels et non des spectres
lumineux théoriques rangés dans des catégories tout aussi théoriques.
Chaque pot de pigment, chaque flocon, chaque grain de
pigment, est une espèce unique. Chacune des substances colorées que nous
manipulons a une histoire et ne nous a pas attendus pour exister sous une
multitude de formes. Un banal flacon d'oxyde de fer contient des atomes qui ont
vu naître des galaxies, des mondes. L'aspect immédiat d'un rayonnement (couleur,
lumière) renvoyé par une matière n'est souvent qu'une partie des critères qui
déterminent les choix du peintre.
Qu'importe la classification des couleurs ? L'aspect,
l'origine, la fabrication, l'histoire du pigment gouvernent la préférence de
l'artiste, pas toujours raisonnable. Il existe de vraies histoires passionnelles
entre artistes et pigments. Elles doivent aujourd'hui plus aux sentiments et aux
sensibilités qu'aux classifications ou aux traditions, d'autant plus que
l'humanité a créé une grande quantité de pigments lors des derniers siècles.
De plus et surtout, la couleur d'un pigment n'est pas
un fait immuable. Elle dépend entièrement de l'éclairage, de son intensité, de
son chromatisme et de l'oeil de la personne qui le contemple. La couleur est la rencontre d'une substance pigmentaire, d'un
éclairage et d'un observateur.
Nous vous livrons cependant dans cette section une
classification chromatique, espérant simplement qu'elle favorisera de
savoureuses rencontres.
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