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Courrier des Lecteurs
2011 - saison 2/3
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29/6/2011 - M.L.
Solidifier des matériaux
avec de l'huile de lin
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ML :
Je me permet de vous écrire car je
fabrique des bijoux à base d'élément naturels, surtout des écorces
d'arbre, coques ... je cherche une solution naturelle pour solidifier
/protéger mes pièces tout en restant respectueux de la peau. J'ai
essayé de les tremper dans l'huile de lin mais le résultat obtenu est
très inférieur à ce que j'obtenais avec des vernis, et l odeur
épouvantable...
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Dtp :
Une odeur épouvantable ? Là il n'y a aucun doute : votre
huile de lin est avariée. Une huile de
qualité normale a un parfum discret et plutôt floral, voici une bonne
occasion de le rappeler car la confusion avec les diluants est
malheureusement fréquente. Elle ne sent pas fort et pas mauvais du
tout, sauf appréciation personnelle bien sûr. Une huile qui sent
mauvais signale normalement une malfaçon ou une contrefaçon. Par exemple une huile
de lin qui sent le poisson EST une contrefaçon. Quelques cas nous ont
été rapportés et cette pratique est bien connue des auteurs.
Il faut alors absolument alerter le détaillant
et si nécessaire, la DGCCRF car il s'agit potentiellement d'un délit
d'une certaine gravité.
Une fois siccativée, une huile de lin
standard n'a plus d'odeur sensible sauf peut-être pour un chien.
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Parfum de l'huile de lin |
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En dehors de cela, une question se
pose : peut-on considérer l'huile de lin comme un solidifiant, un
peu comme une résine synthétique ?
Certainement. Sa réputation n'est plus à
faire. Cependant 1) il ne faut pas attendre d'elle une rigidité
comparable aux résines synthétiques, 2) son temps de séchage est très
long, en particulier lorsqu'elle est utilisée sans pigments ni charges
ni siccatifs.
Dès lors il existe diverses
possibilités :
1. ajouter
une charge. Mauvaise solution : les charges transparentes à
disposition sont soit cristalloïdes,
soit teintées (silice
colloïdale et autres charges plus "classiques").
2. ajouter
un siccatif. Malheureusement, ces substances sont des oxydes de métaux
lourds difficilement compatibles avec un port à même le corps.
3. ajouter
un élément liant séchant plus vite. Oeuf,
méthylcellulose, médium
alkyde, ... C'est une solution, mais la
solidité s'en ressentira. Moins il y a d'huile, moins c'est solide
(pour faire court).
On utilisera donc de préférence un bon
médium contenant une
résine (par exemple un simple dammar
qui a l'avantage d'être clair), en quantité
modeste, sans siccatifs et de bonne fabrication. Ce n'est pas
absolument indispensable cependant. Le temps de séchage ne changera
guère. Par contre vous ajouterez ainsi un peu de robustesse.
4. utiliser
une autre huile siccativant
plus rapidement. Certaines, normalement destinées à l'ébénisterie,
sont moins saturées. Elles
réticulent plus vite.
Cependant, on ne peut garantir un bon comportement dans la durée.
5. vous
armer de patience et bien doser. Lorsque vous disposerez d'une huile
de bonne qualité, éventuellement exposée au soleil pendant deux ou
trois mois - la période printemps/été est propice -, il vous sera
possible de la diluer beaucoup (15% d'huile de lin par exemple) dans
une essence - une bonne essence !
-, éventuellement mêlée d'un petit peu de médium pour une première
application bien pénétrante. Une fois sèche, vous pourrez tamponner
au-dessus une seconde couche beaucoup moins diluée mais aussi
éventuellement chargée d'un peu de médium.
Attention : cette seconde couche
nécessitera un à trois mois de séchage de toute façon. Il peut
s'avérer utile d'appliquer une troisième couche si la solidité laisse
à désirer.
Une recommandation peut-être inutile : surtout ne trempez pas les objets dans
l'huile pure. Vous obtiendriez des temps de séchage monstrueux et sans
doute des "accidents picturaux". De l'enduction de la Tour Eiffel aux
chefs d'oeuvres de la peinture, on procède par couches, fines de
préférence.
Concernant l'odeur de l'essence, même si
vous employez une odorante
térébenthine ou une
essence d'aspic aux parfums
de lavande (des "produits naturels"), une fois évaporées elle ne sentiront plus
rien.
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Des choix qui sont ceux
des peintres |
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Ce procédé est lent, on l'a dit. Il ne
va pas altérer votre rythme de production mais le décaler au début
d'autant plus qu'il va nécessairement vous falloir tester votre
procédé afin de déterminer les produits (quelle huile, quel diluant et
quel médium éventuellement), leurs quantités optimales et leur
calendrier d'application avant de commencer une production que vous
pourrez proposer au public en toute sûreté.
Il est nécessaire de prévoir un espace
de séchage long qui soit bien éclairé, pas trop frais, correctement
aéré mais sans poussière.
6. utiliser
une autre résine, pourquoi pas synthétique. Certaines sont de qualité
alimentaire, notamment des polyesters. On peut également envisager
différents produits acryliques de bonne qualité. Liants et gels.
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Tester dans la durée |
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Il n'existe pas deux chimies, l'une
naturelle et l'autre synthétique (voir
éléments pour un débat). Ce
n'est pas une hypothèse.
On peut utiliser des distinctions à
l'infini comme le naturel et le synthétique ou le minéral et
l'organique mais ce ne sont que des commodités.
En deux mots, les particules élémentaires s'en fichent.
Un produit synthétique bien choisi peut
être aussi sain voire plus qu'un produit naturel,
pour autant que l'on puisse nommer naturels des
produits transformés avec beaucoup d'attention et de savoir-faire
comme le lin, la lavande ou la sève du pin, tous bouillis, écrasés,
raffinés, etc.
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Une parenthèse
importante :
un seul univers
=
une seule chimie |
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Dans d'autres domaines, de telles
transformations de main d'homme sont indispensables à notre survie. La
pasteurisation, par exemple, permet d'éliminer des éléments naturels
pathogènes, des maladies.
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La nature est-elle
toujours bienveillante ? |
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Pour en revenir à notre sujet proprement
dit, étant donné les contraintes imposées par les huiles, il vaut
mieux bien peser cette question à double portée :
*
philosophique : on pense au monisme de Spinoza opposé aux dualismes
cartésien ou plus tard "vitalistes" et créationnistes, dualismes qui
sont restés relativement tenaces malgré l'éclatante démonstration de
Louis Pasteur (lien)
*
concrète : quel procédé choisir devant les contraintes imposées par le
procédé dit naturel ?
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Louis Pasteur,
Albert Edelfelt, 1885 |
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Par ailleurs, s'agissant ici d'écorces,
on peut rappeler que toutes les huiles teintent
le bois. Plus ou moins, mais elles l'assombrissent
inévitablement. C'est le phénomène de la "tache de gras". Il est donc
pertinent d'envisager une base chimique non grasse. Dans ce domaine,
il n'existe aucun produit transparent naturel ou dit tel ayant la
solidité de l'acryle, du polyester ou du polyuréthane.
Pour terminer, précisons qu'il existe
d'autres huiles que celle du lin qui sont solides, de bonne qualité et
permettent d'obtenir des résultats frisant la perfection (notamment
l'huile d'oeillette, qui sent bon
également). Cependant, elles siccativent plus lentement, étant plus
saturées.
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Le problème de la tache
de gras |
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