Courrier des Lecteurs
2011 - saison 2/3
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5/5/2011 - L.F.
Oxyder les pigments :
techniques
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LF :
Aujourd'hui, quelles sont les techniques
d'oxydation des métaux majoritairement utilisées par les industriels
pour obtenir les différentes teintes des pigments (plutôt le fer, le
manganèse et le titane) ? Et enfin, je pense ne pas avoir compris "qui
est" le responsable de ces oxydations (eau ou oxygène ?).
[Cette question
d'apparence simple a nécessité un travail important qui n'aurait rien
donné de publiable sans les corrections et les apports de
Jean-Louis, Physico-chimiste au CNRS. La réponse est une synthèse d'un dialogue
dont un extrait est donné à la fin.]
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Cet article a été
référencé parmi les Dialogues de
Dotapea (chapitre XXXII) |
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Dtp (avec l'aide
importante de Jean-Louis) :
Qu'est-ce qu'oxyder ?
C'est enlever des électrons, d'une façon
ou d'une autre. Mais on peut les enlever de plusieurs façons. En
général, c'est une action de l'oxygène, et au besoin avec un
chauffage. L'eau ne sert que si l'on veut des hydroxydes (ex. : la
rouille).
En fait, ça ne se voit pas à l'oeil,
mais n'importe quel morceau de fer, cuivre, nickel, chrome, PROPRE et
décapé est totalement oxydé en surface !!!
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On peut oxyder avec d'autres corps que
l'oxygène. Tous les sels métalliques (sulfures, carbonates,...)
contiennent des métaux oxydés et des
non-métaux comme le soufre, le carbone,...
Parenthèse |
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Peut-on alors dire qu'un oxyde est
un sel ?
Non, mais le métal est oxydé dans le
sel ou dans un "vrai" oxyde.
CaO : oxyde de calcium, le calcium
est oxydé.
CaCO3 : carbonate de calcium, sel de l'acide carbonique et du
calcium, le calcium est oxydé.
(le calcium est un métal, le
carbone un non-métal)
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De l'oxyde au sel |
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L'oxydant, oxygène ou autre, accepte des
électrons donnés par le réducteur, un métal en l'occurrence mais pas
obligatoirement. On nomme cette passation une
oxydoréduction.
Ce processus peut rencontrer des
obstacles. Par exemple, l'oxygène peut se trouver "bien repu" dans un
état d'équilibre stable tel qu'une paire ordinaire O2 (lire
Les orbitales), alors que faire pour
le convaincre de partager des électrons avec un métal ? Et pourtant,
cela fonctionne.
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Oxydant, réducteur,
acide, base :
sur ces termes,
lire une synthèse en
quelques lignes ici |
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Enfin il y a les conséquences
chromatiques.
L'oxydation ET/OU l'apport d'autres
non-métaux dont nous avons parlé peuvent provoquer les changements de
couleur. Dans l'outremer par exemple, c'est
le soufre qui distingue un feldspath
ordinaire d'un bleu resplendissant - de formule théorique
Na8 [S2|(AlSiO4)6]
(lazurite). Même chose pour la famille des cadmiums (où le sélénium
peut aussi jouer un rôle), ou le fer et le potassium (bleu de Prusse),
ou le manganèse, le soufre et le baryum (ci-contre, le
bleu manganèse,
BaSO4 · BaMnO4), etc.
En résumant : pour les oxydes ou les
sels, il est aujourd'hui impossible de prévoir à
l'avance quelle sera la couleur d'un composé chimique donné. Il
y a évidemment des recettes connues, pour obtenir une couleur donnée,
on applique la recette connue. Point. LE cas particulier de
l'aluminium qui possède un oxyde blanc (l'alumine),
que l'on peut teinter quasiment comme on l'entend. Sinon, on fait avec
ce que la nature donne.
Les couleurs que l'on peut obtenir avec le fer, le titane, ..., en les
chauffant à l'air sont elles aussi empiriques. Elles vont dépendre de
la composition chimique exacte de l'alliage, du traitement qu'on lui
fait subir, notamment de sa durée. L'épaisseur de la couche oxydée
joue elle aussi un rôle sur l'aspect final. Une conclusion qui n'en
est pas une : il faut expérimenter et apprendre sur le tas, même si il
existe des recettes classiques éprouvées et reproductibles.
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Les couleurs !
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En complément...
Emmanuel :
Cela évoque le métier des patineurs
de bronzes. Ils emploient différents acides pour oxyder le métal.
C'est une profession assez recherchée.
Est-ce qu'un alcali peut aussi jouer un rôle,
à l'instar d'un acide, dans une
oxydoréduction ? Et si oui, lequel...
Jean-Louis :
La plupart des métaux sont insensibles aux bases. Le seul métal
courant que je vois c'est l'aluminium qui réagit vigoureusement. Par
contre les sels métalliques en solution sont très sensibles aux bases,
et donnent généralement de beaux précipités colorés.
Emmanuel :
C'est marrant, cette couche oxydée toujours là. Ca a un rapport avec
la peau du métal ?
Jean-Louis :
Non, c'est une question de réactivité. Le fer s'oxyde dès qu'il voit
un peu d'oxygène. Les gens qui travaillent sur les surfaces ont les
pires difficultés à préparer des échantillons. Même sous ultravide,
c'est coton.
Emmanuel :
Quelle est l'action du sel (de table, NaCl) sur un métal ordinaire, du
fer par exemple, pourquoi a-t-il cette tendance très prononcée à
faciliter son oxydation ?
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L'alcali, l'eau, l'acide et le sel |
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Jean-Louis :
Il faut qu'il y ait des échanges électroniques entre l'oxygène gazeux
de l'air et le fer solide qui y est exposé. Si tu rajoutes de l'eau,
quelques gouttes suffisent :), il suffit d'un film de surface, les
échanges se font déjà beaucoup plus facilement, car les gaz sont des
isolants. Si tu rajoutes du sel, ou un acide, la conduction
électronique devient fantastique, et tout se passe beaucoup plus
rapidement.
Evidemment, dans l'eau ou en présence d'eau, on forme généralement des
hydroxydes, genre Fe(OH)2 ou Fe(OH)3, et pas des
oxydes simples genre FeO ou Fe2O3.
C'est pas simple. Il y a des ingénieurs
qui ne s'occupent que des processus d'oxydation....
Le Vert-Galant
oxydé, plus vert que jamais
(statue équestre en
bronze du roi Henry IV, Pont-Neuf, Paris)
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« les gaz sont des
isolants »
-> sur la question des
gaz et des liaisons cliquer
ici |
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