Courrier des Lecteurs
2010 - saison 2/3
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19/8/2010 - S.T.
Térébenthine : la nocivité
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MS :
Votre
tableau des essences
décrit l'essence de térébenthine comme étant nocive.
Cette nocivité est-elle aussi valable lorsque l'essence de
térébenthine est utilisée comme diluant de la cire d'abeille ? Je
m'explique : j'ai trouvé la recette d'une cire pour recouvrir des murs
enduits (chaux+platre) très simple : il suffit de diluer la cire
d'abeille naturelle dans de l'essence de térébenthine (en y ajoutant
des pigments ou non) ; l'essence de térébenthine est-elle encore
toxique sous cette forme ? uniquement lors de la pose de cette cire ?
Je ne voudrais pas m'intoxiquer moi et ma famille alors que le but est
justement de faire une cire inoffensive.
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Dtp :
Par son odeur, la térébenthine est peu
discrète mais d'emblée soulignons qu'il ne s'agit pas pour autant d'un
toxique (quel que soit l'usage, peinture à la cire ou autre), sinon
pour certaines classifications qui réfèrent à des doses inhalées
correspondant à des contextes pour le moins inhabituels (accidents
industriels ?) ou pour l'ingestion ou autres accidents
domestiques évidemment.
Bien sûr c'est de l'essence, mais pour
l'utilisateur terminal (le peintre par exemple) certains produits d'entretien de
supermarchés peuvent être tout aussi "nocifs", voire davantage peut-être.
Cependant, ce genre de comparaisons a des limites et comme dit dans un autre
courrier (lien), la question de
la nocivité ne peut être tranchée indistinctement, sinon pour les
petits poissons qui, en effet, ne sembleraient pas supporter l'essence
de térébenthine. Rien de très étonnant : nous mêmes n'en buvons pas.
Pour les humains, ne serait-ce que d'une personne à
l'autre, les réactions à un tel produit peuvent être très
substantiellement différentes.
Ceci nous amène au coeur du sujet.
Les
personnes non allergiques.
Sans pathologie avérée en relation avec
ce produit, à moins d'en respirer les vapeurs à haute dose ou de le
boire, selon les documentations et témoignages à notre disposition il
n'y a aucun problème particulier à consigner ici à ce sujet dans le
cadre d'un usage normal, a fortiori ponctuel.
Un usage répété, par contre, peut créer
de petits soucis de peau y compris aux personnes non allergiques
car il s'agit d'un dégraissant. On peut
alors recourir à des gants, voire simplement faire attention
à ne pas s'asperger. Notons au passage que cette essence n'est
absolument pas corrosive.
Il faut de toute façon éviter le contact
avec les yeux, mais ceci est valable pour un grand nombre de produits
très ordinaires, par exemple n'importe quel alcool.
Nous avons fait le tour du cas "normal",
paramètres psychologiques mis à part.
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Toxique ou nocive ? |
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Parlons-en maintenant car ils ne sont
pas négligeables.
Le simple "goût" d'une personne peut lui
rendre telle ou telle odeur insupportable sans qu'il y ait réaction
biologique. Ou délicieuse. Certains peintres - ce n'est pas rare
- adorent la bonne vieille "téré" de l'atelier pour des raisons
affectives (comme on peut raffoler du parfum du
camphre, chimiquement proche à certains égards). D'autres
détestent cela.
Les réactions (irrationnelles) vont
alors du simple dégoût à des phénomènes plus sévères, de l'ordre de la
phobie ou du trouble obsessionnel compulsif (peur de l'empoisonnement,
de la contamination). Ce n'est pas rare non plus. Les fortes odeurs
peuvent éveiller des craintes non motivées, comme dans le domaine
alimentaire.
Concrètement maintenant, évoquons la
question de la durée. L'essence exposée à l'air
s'évapore plutôt rapidement, comme son odeur en témoigne. Peut-être
reste-t-il par la suite de petites quantités de terpènes
bloquées dans la pâte, mais s'en alarmer aurait aussi peu de sens que
de s'inquiéter de la sève circulant dans les plantes. La Joconde ne
sent pas la térébenthine. L'objet peint avec ce diluant ne reste ni
odoriférant ni "potentiellement nocif".
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Une phobie n'est pas une
allergie |
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Aucune donnée ne
rapporte des effets sur le développement humain, la reproduction, le
lait maternel, pas non plus d'effets cancérigènes ou mutagènes
répertoriés.
Pas d'effets sournois, donc.
Rappelons qu'il ne s'agit pas d'un
produit benzénique mais de terpènes
chimiquement plus proches du camphre, du parfum des roses ou de la
menthe que de boulettes de fuel. Bien sûr cette affirmation n'est là
que pour donner une tendance et celle-ci est à relativiser. Le fuel
est lui aussi d'origine végétale, l'ammoniaque et le benzène se
trouvent dans des plantes vivantes et le nitrobenzène est utilisé en
parfumerie. De même on peut être allergique à la menthe ou à n'importe
quel parfum végétal, bref rien n'est simple.
Mais enfin on n'est pas ici dans le
monde benzénique alors que l'on trouvera des produits benzéniques dans
les essences minérales. Le degré de nocivité de l'essence de
térébenthine en tant qu'agent actif ne justifie pas qu'on le considère
en soi comme un toxique au même titre qu'un aromatique, un
acide violent, un métal lourd ou un produit radioactif.
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Ces informations
proviennent du Reptox du CSST
canadien, comme la plupart des données biomédicales de cette réponse. |
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En bref, il est surtout de
première importance, concrètement, de veiller aux risques
d'incendie. Il s'agit avant tout d'une essence, donc d'un
produit qui s'évapore considérablement et qui s'enflamme relativement
facilement (sans plus, ce n'est pas du gaz de ville), même à des distances assez éloignées car
les vapeurs sont assez
lourdes pour se répandre loin.
Attention aussi aux conditions de
stockage : loin des enfants et des animaux, au frais, dans des
contenants hermétiques et des locaux ventilés. Eviter aussi la
proximité de produits au chlore (eau de Javel notamment) car cette
essence y est réactive.
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Que se passe-t-il
pour les personnes allergiques ou sensibilisées par un usage
malsain et répété ?
Les symptômes s'apparenteraient à ceux
d'un rhume plus ou moins violent et/ou de problèmes cutanés (toujours
selon le RepTox). On notera
au passage que dans un cas d'exposition répétée en milieu
professionnel, les symptômes disparaissaient pendant les congés.
D'autres cas semblent indiquer la même tendance à des effets non
durables, réversibles.
Ceci ne doit pas tendre à minimiser les
dangers outre mesure :
à forte dose par
inhalation, les effets aigus peuvent
être mortels et très sévères par absorption.
C'est une essence, ça ne se boit pas, ça
ne se renifle pas.
Sur l'aspect allergologique proprement
dit, on citera un extrait de la fiche du Reptox : « La
concentration de chacune des fractions varie selon l'espèce botanique
et le pays d'origine. Toutes les térébenthines contiennent de fortes
proportions d'alpha-pinène mais la quantité de deltacarène-3 diffère.
L'allergie serait causée par des produits d'oxydation possiblement des
hydroperoxydes du deltacarène-3. L'alpha-pinène et le bêta-pinène ou
leurs produits d'oxydation peuvent être allergènes mais à degré
moindre que le deltacarène-3. Le vieillissement du produit augmente la
fréquence des réactions allergiques causées par l'oxydation
progressive des terpènes en hydroperoxydes. »
Dit autrement, le cas général correspond
à la composition générale, statistiquement habituelle.
Mais comme on nous indique que la
composition du produit est variable, on peut entendre que la réaction
l'est d'autant et qu'il existe habituellement du "statistiquement inhabituel".
Normalement, moins de deltacarène-3
devrait réduire le risque allergique, mais seulement le risque moyen.
A l'achat d'un flacon, connaît-on la
proportion de deltacarène et son degré d'oxydation ? Non bien
sûr. Nous en sommes loin et cela ne semble pas forcément possible.
Comme le dit (aussi)
F. Perego, le produit a tendance à s'oxyder, et si ce facteur est
statistiquement déterminant dans le mécanisme allergique comme on nous
le dit ici, il vaut mieux préférer les produits les plus frais,
c'est-à-dire, toujours selon F. Perego, les moins odorants.
Cependant, au nom de la possibilité d'une sensibilité allergique, faut-il augmenter les exigences ou
bien conseiller aux utilisateurs de pratiquer quelques tests simples
permettant de déterminer rapidement et sans danger s'ils sont ou non
sensibles à cette essence ? Un atchoum, une petite rougeur éphémère,
c'est tout ce que l'on risque. Une gouttelette sur la peau, une inspiration
de loin, cela donne des indications.
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Les allergies |
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En conclusion, l'essence de térébenthine
est un produit que l'on peut dire "franc". Il sent fort, lorsqu'il
occasionne des effets indésirables on le sait sans tarder et ces effets
sont réversibles, sauf lésions indirectes.
Surveillons donc la ventilation et pour
le reste, s'il indispose quelqu'un dans votre entourage, il est
toujours possible d'en changer pour une essence minérale, même si la
réalisation d'une encaustique est moins
aisée.
Un dernier point pour revenir à votre
question : la cire est un corps gras qui, comme l'huile, réagit aux
produits alcalins (saponification).
Ainsi, si l'enduction à la chaux que vous réalisez est bien calcifiée
(compter au minimum un mois), tout va bien car elle est neutre. Sur le
plâtre par contre, une enduction préalable est nécessaire (cf.
Quelles peintures, quelles enduction pour le plâtre ?
Lien).
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Un produit "franc" |
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