Mais pourquoi le jaune associé au blanc
périclite-t-il plus vite que pur ?
Déjà, pur, il semble que le brunissement
soit la conséquence directe de la "réduction" du chrome. Qu'est-ce que
la réduction ? Réponse ici. Le
chrome cède donc des électrons (mais à qui ?) et passe de la
valence VI à la valence III, ce qui implique
une modification de ses liaisons le faisant changer de couleur
(celle-ci dépend de la structure du nuage électronique).
Ce changement de couleur explique que les peintres l'aient évité dès que ce fut possible,
et que lorsqu'il n'existait pas d'alternative, ils recouraient à un
stratagème hasardeux, comme l'ont fait avant eux les peintres du
Moyen-âge pour prolonger l'aspect d'autres pigments de mauvaise tenue.
L'expérience de l'ESRF démontre que le
chrome de valence III est largement dominant dans les tableaux de Van
Gogh par rapport à d'autres travaux réalisés avec du jaune de chrome
mais sans blanc.
Ainsi, ce blanc peut être montré du
doigt comme agent accélérateur de la réduction. Il s'agit de
blanc de baryum, un sulfate de
baryum, BaO4S, en fait une charge plus qu'un pigment.
Au-delà de cette analyse qui semble
bien une toute première étape, demeurent de très grosses questions
irrésolues. Ainsi, Koen Janssens (Université d'Anvers) déclare : "Obviously,
we want to understand which conditions favour the reduction of
chromium" ("Evidemment, nous voulons comprendre quelles
conditions favorisent la réduction du chrome"). Il reste donc du
pain sur la planche.
Marine Cotte (ESRF/CNRS) semble
optimiste : "Making this possible has opened the door to a whole
new world of discovery for art historians and conservators" ("Rendre
cela possible a ouvert la porte de tout un monde de découvertes pour
les historiens de l'art et les conservateurs").
En guise de conclusion temporaire, on ne
comprend toujours pas précisément ce qui favorise la réduction du
chrome, mais on a prouvé que la présence de sulfate de baryum accélère
ce mécanisme compliqué. Compliqué car en effet, le jaune de chrome
étant un chromate de plomb, ledit plomb pourrait lui aussi réagir avec
le soufre du sulfate de baryum, mais dans quel
mesure le baryum, un instable notoire,
joue-t-il éventuellement un rôle ? On a au moins cinq agents en
présence (n'oublions pas l'oxygène en plus du chrome, du plomb, du
chrome et du baryum), il faudrait donc pouvoir observer plus finement
leurs interactions et à ce moment-là une avancée d'une portée plus
générale devrait devenir possible.
Nous n'en sommes pas encore là.
Suite dans l'article "Vincent Van gogh -
Une courte enquête". Cliquer
ici.