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Courrier des Lecteurs

2011 - saison 1/3

 

 

18/2/2011 - A.A.

Van Gogh, son jaune et l'ESRF

 
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Ce courrier est composé de deux parties.

La première est technique, liée au jaune utilisé par Vincent Van Gogh.

La seconde est liée à la vie du peintre. Elle est accessible par ce lien direct.

 

 

 

AA : Je vous envoie le lien vers un article sur la dégradation des pigments en particulier chez Van-Gogh :
 

Lien journal Le Point
 

 

 

 

Dtp : Oui, cette information qui concerne le jaune de chrome a été en effet largement diffusée dans la presse.

Donnons d'abord l'adresse du communiqué de l'ESRF de Grenoble qui a effectué une part importante de ce travail :

 

Communiqué ESRF (en anglais)

 

On ajoutera ensuite qu'il existe une forte dimension financière à cette recherche exceptionnelle. L'analyse par synchrotron coûte cher, les deux Van Gogh concernés encore plus. Ce qui explique peut-être le commentaire de l'un des scientifiques concernés :

 

"I am not aware of a similarly big effort ever having been made for the chemistry of an oeil painting", says Joris Dik, Professor at Delft Technical University.

 

"Je n'ai jamais entendu parler d'un aussi gros effort portant sur la chimie d'une peinture à l'huile", dit Joris Dik, professeur à l'Université Technique de Delft.

 

Comme le signalent d'autres chercheurs, cette initiative aura sans doute des répercussions positives sur la conservation et la restauration d'autres oeuvres, mais dans le cas présent, l'objectif à terme est ambitieux et sans ambiguïté : il s'agit de trouver le moyen de stopper la dégradation des jaunes de ces toiles.

 

 

Berges de Seine

Vincent Van Gogh

1887

 

 

Or que nous dit l'ESRF ?

 

D'une part ce que tout le monde savait, y compris le maître à l'oreille coupée : c'est une couleur de mauvaise tenue (lire Le jaune de chrome, Les chromes, Le chrome (glossaire)).

 

D'autre part que le même Vincent Van Gogh, croyant bien faire en éclaircissant ce jaune avec du blanc afin qu'il perde le moins possible de luminosité avec le temps, a causé une réaction chimique complexe catastrophique ("a complex chemical reaction responsible for the degradation of two paintings by Vincent van Gogh and other artists of the late 19th century"). Le remède était donc pire que le mal. Les peintres n'ayant pas eu cette idée ont également vu leurs tableaux se dégrader, mais moins rapidement.

 

 

Le bâtiment grenoblois de l'ESRF

A voir aussi : présentation de l'ESRF en français avec vidéo

 
 

Les résultats des analyses de l'ESRF - qui a aussi impliqué trois tubes de peinture d'époque - sont en réalité sans surprise car ils suggèrent de créer un bouclier protecteur ("the results suggest shielding"), ce que les fabricants de ce pigment ont déjà fait dans un passé sans doute un peu postérieur à la réalisation de ces tableaux sinistrés. Sans donner de date précise (dommage), l'auteur François Perego indique en effet dans son Dictionnaire, page 415, que cette sous-famille des pigments au chrome (en fait il s'agit de chrome toujours associé à du plomb et à des non-métaux, l'oxygène et parfois le soufre) a été enrobée de silice ou coprécipitée avec de l'hydrate d'alumine, du sulfate de calcium ou d'autres composés. Jusqu'aux années 1950.

 

Il s'agit donc de créer sur le tard un rempart transparent contre une excitation excessive des molécules concernées, excitation communiquée par les photons les plus énergétiques ("the results suggest shielding affected paintings as much as possible from UV and sunlight") et responsable de la dégradation. Une possibilité encore plus intéressante serait de faire repasser le chrome à son état initial, ce qui serait une véritable restauration ("(...) whether there is any hope to revert pigments to the original state in paintings where it is already taking place", "s'il existe un espoir de faire revenir les pigments à leur état original, à leur emplacement actuel").

 

 

 

Pigment pas enrobé ?

 

 
 

Mais pourquoi le jaune associé au blanc périclite-t-il plus vite que pur ?

Déjà, pur, il semble que le brunissement soit la conséquence directe de la "réduction" du chrome. Qu'est-ce que la réduction ? Réponse ici. Le chrome cède donc des électrons (mais à qui ?) et passe de la valence VI à la valence III, ce qui implique une modification de ses liaisons le faisant changer de couleur (celle-ci dépend de la structure du nuage électronique).

Ce changement de couleur explique que les peintres l'aient évité dès que ce fut possible, et que lorsqu'il n'existait pas d'alternative, ils recouraient à un stratagème hasardeux, comme l'ont fait avant eux les peintres du Moyen-âge pour prolonger l'aspect d'autres pigments de mauvaise tenue.

 

L'expérience de l'ESRF démontre que le chrome de valence III est largement dominant dans les tableaux de Van Gogh par rapport à d'autres travaux réalisés avec du jaune de chrome mais sans blanc.

Ainsi, ce blanc peut être montré du doigt comme agent accélérateur de la réduction. Il s'agit de blanc de baryum, un sulfate de baryum, BaO4S, en fait une charge plus qu'un pigment.

 

Au-delà de cette analyse qui semble bien une toute première étape, demeurent de très grosses questions irrésolues. Ainsi, Koen Janssens (Université d'Anvers) déclare : "Obviously, we want to understand which conditions favour the reduction of chromium" ("Evidemment, nous voulons comprendre quelles conditions favorisent la réduction du chrome"). Il reste donc du pain sur la planche.

 

Marine Cotte (ESRF/CNRS) semble optimiste : "Making this possible has opened the door to a whole new world of discovery for art historians and conservators" ("Rendre cela possible a ouvert la porte de tout un monde de découvertes pour les historiens de l'art et les conservateurs").

 

 

En guise de conclusion temporaire, on ne comprend toujours pas précisément ce qui favorise la réduction du chrome, mais on a prouvé que la présence de sulfate de baryum accélère ce mécanisme compliqué. Compliqué car en effet, le jaune de chrome étant un chromate de plomb, ledit plomb pourrait lui aussi réagir avec le soufre du sulfate de baryum, mais dans quel mesure le baryum, un instable notoire, joue-t-il éventuellement un rôle ? On a au moins cinq agents en présence (n'oublions pas l'oxygène en plus du chrome, du plomb, du chrome et du baryum), il faudrait donc pouvoir observer plus finement leurs interactions et à ce moment-là une avancée d'une portée plus générale devrait devenir possible.

 

Nous n'en sommes pas encore là.

 

 

Suite dans l'article "Vincent Van gogh - Une courte enquête". Cliquer ici.

 

 

Vue d'Arles avec iris

Vincent Van Gogh

1888

Les Berges de Seine et ce tableau sont les deux oeuvres de Van Gogh concernées par cette enquête scientifique.

 

 

 

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