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Courrier des Lecteurs

2011 - saison 1/3

 

 

18/2/2011 - A.A.2

Vincent Van Gogh, une courte enquête

 
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[Cet article fait suite à celui-ci]

 

Cette question n'est sans doute en voie de résolution que grâce à la valeur financière actuelle - des dizaines de millions d'euros l'oeuvre, jusqu'à 140 millions au maximum en 2011 - de tableaux peints fin XIXème par un artiste génial, virtuose inspiré de la couleur, de la touche et de la composition.

 

Dans ce contexte, il est difficile de ne pas oser quelques mots sur la naissance et le destin de la collection.

 

 

Vincent Van Gogh s'est suicidé par balle à trente-sept ans.

Malgré ses nombreuses amitiés, il ne bénéficia de son vivant que d'un succès limité à ses pairs, sinon à la toute fin de sa vie, timidement.

Au sujet de ce retard de reconnaissance publique, le rôle de son environnement intime a de quoi interroger.

 

Ce questionnement sur l'entourage du maître a fait l'objet d'hypothèses mais aussi d'oeuvres de fiction qui ont surtout colporté des clichés sans apporter des lumières, ce qui est une rude tâche de toute façon.

 

 

Autoportrait à l'oreille coupée

Vincent Van Gogh

1889

 
 

La réalisation probable de faux Van Gogh par la jeune Blanche Derousse (lien vers une recherche Google), à l'initiative du Dr. Paul Gachet et de son fils Paul-Louis, semble davantage qu'une simple hypothèse depuis la découverte en 2003 d'un dessin caché derrière un miroir acheté par des chalands dans une brocante (lire le dernier lien ci-contre). Vincent avait prévenu ("Je pense qu'il ne faut aucunement compter sur le Dr Gachet", écrivait-il à son frère Théo, soulignant deux fois aucunement). Les doutes contemporains remontent au moins aux années 1960.

 

[Le versant intime]

Mais les éventuels faux ne sont pas le seul versant douteux, d'autant plus que les Gachet ne faisaient pas partie des intimes de Vincent Van Gogh.

 

Théo était marchand d'art. Vincent lui aurait envoyé 550 peintures et des centaines de dessins (information non recoupée précisément). Aujourd'hui, ce fonds artistique de toute façon très volumineux représente des milliards d'euros. Un pactole artistique sans équivalent.

 

 

Sur ces sujets, une source parmi d'autres, sur Insecula.com. Lien.

Un autre lien, accablant.

Enfin et surtout, cette page avec vidéo, consacrée au livre La folie Gachet du critique Benoît Landais.

 
 

Or une seule vente du vivant de Vincent est attestée à ce jour. Ce n'est même pas l'un des acheteurs de Théo mais la peintre Anna Boch, soeur d'Eugène Boch, un ami direct de Vincent, qui acheta La vigne rouge à Montmajour (ci-contre) pour 400 francs de 1890, soit environ 1 200€ actuels.

C'était au début de l'année du décès de Vincent (en juillet 1890), année particulière car elle fut aussi celle d'un commencement timide de reconnaissance publique (un article publié dans Mercure de France).

Une question demeure donc plus que brûlante : pendant toutes ces années, comment Théo, marchand d'art, a-t-il pu échouer à vendre des oeuvres de son frère pourtant reconnu et admiré par des peintres aussi importants que Gauguin (qui, lui, vendait ses toiles), Pissaro, Signac et de très nombreux autres dont un certain Claude Monet qui se serait exclamé, début 1890, "Quel grand peintre !"

Qui pouvait ignorer la valeur du travail du maître hollandais ? Sûrement pas un marchand d'art au faîte de son métier après dix ans d'expérience au sein du milieu artistique.

 

Pire : Théo, peu après le décès de son frère et peu avant sa propre mort, organise dans une urgence bien soudaine une exposition où il convie des journalistes, ce qu'il aurait déjà pu faire depuis des années...

En effet, on n'oubliera pas que vers 1882, Théo avait cessé de verser une pension "inconditionnelle" à Vincent. Il lui "échangeait" ses versements contre des tableaux. C'est ainsi qu'il constitua son propre fonds artistique.

 

 

La vigne rouge à Montmajour

Vincent Van Gogh

1888

 
 

Certes, Théo, "riche mais pingre" selon Wouter van der Veen (voir lien ci-contre) mais très sympathique selon d'autres, versait quand même à Vincent des sommes relativement confortables, du moins à l'époque d'Auvers-sur-Oise, qui dura soixante-dix jours.

Mais s'il avait réellement cherché à promouvoir son frère et à vendre ses oeuvres plutôt qu'à les accumuler, Vincent aurait peut-être pu voler de ses propres ailes, et alors... adieu la collection. Si vraiment Théo était à la fois sympa et pingre, quel dilemme.

 

[Johanna et l'oreille coupée]

Le même Théo s'est marié à Johanna Gesina Bonger après une cour épistolaire de soixante-dix lettres et une première avance directe rejetée en août 1887 (informations non confirmées). Si nos sources et recoupements sont corrects (donc sous toute réserve), Johanna, dite "Jo", était la soeur de Andries Bonger, grand collectionneur et ami intime de Théo depuis 1881. Jo serait donc la soeur d'un ami qui était peut-être aussi un client (à vérifier, mais comme on le verra il vaut mieux tout envisager dans cette affaire), en tout cas à tout le moins un contact professionnel aussi.

 

Ce mariage eut lieu seulement quatre mois après le célèbre "incident de l'oreille coupée", en Arles, avec Gauguin, le 23 décembre 1888, où selon la version communément admise - remise en question aujourd'hui -, Van Gogh, après ou pendant une dispute avec Paul Gauguin, se serait lui-même coupé le lobe de l'oreille et l'aurait offert à une prostituée.

 

 

A ce sujet et quelques autres, on peut lire une intéressante interview de Wouter van der Veen (coauteur avec Peter Knapp du livre Vincent Van Gogh à Auvers)

à cette adresse

 

Une réserve importante cependant sur un point abordé dans cet article : il est faux de dire que Vincent Van Gogh, à Auvers (mai-juillet 1890), ne peignait que depuis quatre ans. Ayant commencé la peinture à l'huile en 1882, année où il aurait aussi réalisé sa première commande professionnelle (après un apprentissage et une pratique du dessin et de l'aquarelle depuis au moins 1876), il était semblerait-il peintre depuis déjà huit ans à l'époque d'Auvers.

 

 
 

Gauguin, dit-on depuis quelque temps, aurait pu mutiler son confrère d'un coup de sabre (voir réf. ci-contre). La vérité aurait été dissimulée (par qui exactement ?) pour sauvegarder Gauguin. Soi-disant. Il pouvait aussi s'agir de faire passer Vincent pour plus fou qu'il n'était en profitant de l'incident. Ou allez savoir quoi. Ce n'est qu'une hypothèse mais soulignons que jusque là, le maître n'avait fait aucun séjour à l'asile.

 

Son propre père (encore l'entourage direct, décidément) avait envisagé de l'y placer, à l'asile, à l'époque conflictuelle où il résidait chez ses parents sans trop savoir encore dans quelle direction professionnelle s'orienter (1878-1880, période de conflit avec Théo également).

 

 

Quoi qu'il en soit, après l'épisode de l'oreille, les deux grands peintres restèrent en contact épistolaire amical jusqu'à la mort.

L'oreille coupée, Vincent se retrouva à l'hôpital où Théo lui rendit visite dès le 25, puis en février à l'asile où il avait été placé sous la pression des voisins (pétition). Pourquoi les voisins étaient-ils si remontés contre lui, dans un quartier pourtant pas très sage, celui des maisons closes arlésiennes (rue de la Cavalerie, place Lamartine) ?

Posons une question au passage : la prostituée à laquelle le maître aurait soi-disant offert le lobe de son oreille gauche passait-elle là par hasard ou a-t-elle joué un rôle particulier ?

 

Quoi qu'il en fut, cet incident sanglant marqua le début d'une série de "crises" psychiques que des centaines de psychiatres ont depuis essayé de comprendre. Des dizaines d'étiologies ont été avancées. Les descriptions du maître ne sont au demeurant pas précises et l'environnement asilaire de l'époque pouvait aussi provoquer des "crises", surtout chez un être exceptionnel par sa sensibilité.

Donc voici quatre bien soudaines "crises (de quoi ?)" en un an et demi, dont la dernière, si tant est qu'elle en fut vraiment une, a été mortelle. Cette succession rapide est bel et bien inexpliquée à ce jour.

Dit autrement, aucune explication ne s'impose comme évidente.

 

[Mariage et syphillis]

La quasi coïncidence de l'internement de Vincent avec le mariage de Johanna et Théo ne laisse pas non plus d'interroger, au-delà des descriptions enthousiastes mais peut-être naïves que l'on trouve à loisir ici et là, à la gloire d'une "jeune femme pure et socialiste qui a dédié sa vie à la reconnaissance mondiale de l'universalité de l'oeuvre de son beau-frère", s'il fallait écrire un digest. Au passage, elle aurait été victime des supercheries présumées des Gachet père et fils. Victime, oui peut-être, mais pour autant fut-elle blanche (ou rouge) colombe ?

 

En janvier 1890, naît le premier enfant de ce tout jeune couple.

 

 

Une nouvelle interprétation de l'incident de l'oreille coupée

 

Van Goghs Ohr : Paul Gaugin und der Pakt des Schweigens, Hans Kaufmann et Rita Wildegans

Osburg Verlag, Berlin 2008

 
 

Mais - et c'est là que les choses deviennent vraiment très difficiles à comprendre, ce qui peut expliquer les doutes énoncés ci-dessus -, six mois après la mort de Vincent, Théo, tout marié qu'il est depuis un an et demi, décède à son tour, mi-1891, d'une syphilis, maladie vénérienne qui rappelons-le occasionne des symptômes bien visibles après seulement quelques semaines d'incubation, deux mois tout au plus.

De quelle partenaire ce jeune marié, ce jeune père, tenait-il son mal ?

 

Sur ce, "Jo", désormais Johanna Van Gogh, de retour près d'Amsterdam avec son tout jeune enfant, se découvre à vingt-neuf ans une soudaine vocation pour défendre, avec un talent et un succès inattendus, l'oeuvre de son défunt beau-frère dont elle a hérité après le décès de son mari mais qu'elle connaissait vraisemblablement depuis quelques années.

 

[Le dernier mot]

Les derniers mots du maître sont connus grâce à l'auteur Gustave Coquiot (Vincent Van Gogh, librairie Olendorff, Paris 1923). Citons-le : "Un paysan que j'ai retrouvé et qui se souvient de Vincent, le vit ce jour-là ; et il lui entendit dire : « c'est impossible, impossible ! »".

Etait-il pris par une quatrième "crise" ou avait-il découvert quelque chose d'insupportable, d'inadmissible, d'horrible, au point de tenter de mettre fin à ses jours quelques minutes plus tard ?

 

 

Comment démêler un tel écheveau ? Qui aura vraiment le dernier mot ?

Rien n'est clair, c'est-à-dire que tout peut être mis en doute, à commencer par le présent article.

Donc tout est permis. Maurice Pialat, dans son film Van Gogh, est allé jusqu'à imaginer une sorte d'idylle sentimentale entre Johanna et Vincent. Pourquoi pas ? Mais étant donné les gigantesques fortunes potentiellement en présence même du vivant du peintre, la réalité a pu être beaucoup plus bassement prosaïque, ou même diaboliquement criminelle. Ou rien de tout cela.

 

Il est cependant intéressant d'envisager, à l'instar de Peter Knapp et Wouter Van der Veen, que le peintre ne fut peut-être pas fou, ou pas si fou, avec tout ce que cela impliquerait en termes de relecture de cette histoire dont l'un des prolongements les plus inattendus est bel et bien la recherche sur les réactions complexes entre chrome, baryum, plomb, soufre et oxygène dans une toile. Une certitude demeure quoi qu'il en soit : l'excellence du travail du maître où se devine toujours une joie.

 

 

Johanna Van Gogh

 

 

 

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