Les
"oxydes", colorants et composants des arts
du
feu
Par ailleurs, la plupart des composants non
pigmentaires - c'est-à-dire peu ou pas colorants -
utilisés pour altérer le comportement d'une terre ou d'un verre à la cuisson ou
modifier d'autres propriétés sont aussi des oxydes. Ces produits ne sont pas traités dans cet
article mais dans les pages du glossaire. Comme ils ont souvent d'autres
applications, nous avons essayé de grouper les informations sur leur emploi dans
les arts du feu dans la dernière partie de chaque article.
En
voici la liste :
* alumine,
* oxyde de sodium,
* de potassium,
* de
plomb (toxique),
* de calcium,
* de
baryum (matifiant),
* de magnésium,
* de
zinc,
* de strontium,
* d'antimoine,
* de lithium,
* de bore.
Comme souvent dès lors qu'il y a cuisson, les résultats varient en fonction
de nombreux facteurs. Parmi ceux-ci, nous citerons bien sûr la nature de
l'oxyde, mais aussi notamment la température et le temps de cuisson, la
concentration pigmentaire, la nature de l'émail ou de la terre et l'atmosphère de la
cuisson (les gaz présents dans le four), sans parler des conséquences des
associations entre couleurs. Cela explique en partie la difficulté des arts du feu.
Liste
d'oxydes colorants
Le nombre d'oxydes métalliques disponibles dans la nature
pouvant être employés est assez limité, mais ils peuvent être associés
pour former un éventail assez large.
Les "oxydes" se présentent le plus souvent sous la forme d'une
poudre blanchâtre dont la couleur ne se révèle qu'après cuisson, exigeant de
l'artiste ou de l'artisan une représentation mentale particulièrement
délicate, par anticipation.
Note : une formule particulière, peu courante, doit être
mentionnée : l'oxyde en granulés. Il permet de créer aisément des effets
de taches.
Dans tous les cas, ces produits seraient mêlés d'un liant (gomme arabique ou
autre, qu'importe, le liant est brûlé à la cuisson) permettant l'adhérence au
biscuit après mouillage à l'eau. L'application au pinceau est courante, mais
d'autres méthodes peuvent être utilisées : le trempage, la pulvérisation et tout
ce qui peut venir à l'esprit.
La superposition est possible moyennant le respect du temps de séchage et
bien sûr la compatibilité des substances mises en présence.
Voici les éléments métalliques utilisables (toujours oxydés). Les
couleurs mentionnées dépendent de beaucoup de facteurs et ne sont spécifiées
qu'à titre indicatif. Les paramètres de cuisson doivent être relevés dans
les catalogues des fabricants.
* le fer, dont la teinte va du jaune au noir.
La variété jaune a tendance à se transformer en rouge à la moindre
cuisson par perte de H2O dès que 100°C sont atteints. On remarque cependant que des ocres siliceux parviennent à rester
assez jaunes. Voir ci-dessous Puisaye et la page Oxydes
de fer.
* le titane, beige lorsqu'il est associé au
fer (lire l'article sur les titanes). Mélangé à
l'oxyde de zinc, il pourrait favoriser
l'apparition de cristaux lors du refroidissement des pièces.
* le cuivre, vert ou bleu. Utilisé cuit dès l'Antiquité égyptienne, il
serait propice à la fusion de l'émail. Le carbonate de cuivre, considéré
comme "pigment colloïdal",
donne des rouges. Le sulfate de cuivre donne une couleur plus rompue et ne
peut être cuit que sous certaines conditions
* le chrome, vert.
Exemple : le vert émeraude
dans sa formulation originelle.
* le chromate de fer, de couleur grise.
* le cobalt, bleu. Associé au carbone (carbonate
de cobalt), il est homogène et d'un teinte subtile. Sans cela, il
est franchement bleu, voire légèrement violacé.
Associé au soufre (sulfate de cobalt), il donne des résultats impurs et ne
peut être cuit que sous certaines conditions.
Dans le domaine de la porcelaine, le cobalt poserait de gros problèmes à
la cuisson. Nous ignorons ce qu'il en est en verrerie, mais dans les
autres disciplines, il est couramment employé sans problème notable -
sinon son coût
* le nickel, gris brun pouvant donner des
couleurs très différentes en association avec d'autres éléments
* le cadmium non
sulfureux (CdO), de couleur rouge. Il est fritté puis broyé, comme
le smalt
* le manganèse (dioxyde de manganèse). La coloration n'a pratiquement
aucun rapport avec ce que l'on obtient en peinture. Il s'agit ici d'ivoires,
de bruns-rouges (avec le plomb) et de violets (avec des émaux chargés de métaux
alcalins). On utilise parfois le manganèse associé à un carbonate (CO3)
pour obtenir une plus grande homogénéité. Lire
l'article Manganèse du glossaire et la
page Les manganèses dans Familles chimiques de pigments.
* le chrome, vert employé seul, rouge en association avec le plomb et le
potassium (bichromate de potasse + plomb), brun foncé avec le fer.
*
l'or, sous forme Au2O3 (sesquioxyde
d'or) : employé notamment en verrerie, il donne une couleur rubis. La coloration
des
corindons que sont les rubis
de Cassius est
d'ailleurs due à la présence de cet or oxydé (découverte de Faraday,
1857).
--> Attention, une erreur a été détectée sur ce dernier point. Elle est en cours
de correction
* l'antimoine, allant d'une sorte de jaune
de Naples (avec le plomb éventuellement adjoint de nickel ou de titane
ou avec le vanadium) à
l'orangé suivant l'association que l'on lui impose. L'oxyde d'étain
(lui-même opacifiant) est fréquemment employé comme stabilisant.
Lire l'article Antimoine du glossaire.
* le vanadium (teinture de vanadium). Il donne une sorte de jaune
de Naples en association avec l'antimoine.
TRÈS IMPORTANT : selon la masse en présence,
particulièrement selon le
type d'émail ou de verre, la couleur peut varier radicalement. Voir ci-dessous interaction
avec l'émail.
Les versions sulfurées de ces pigments ont une teinte rompue.
La présence de carbonates accentue l'homogénéité des oxydes mais peut
aussi en modifier radicalement les couleurs. Le carbone est souvent perdu lors
de la cuisson.
Quelques produits
naturels importants
Il ne s'agit pas de pigments, mais de terres aux couleurs réputées :
* le grès de Thiviers est principalement composé de
silice (85%). Il est cependant légèrement ferreux,
ce qui lui donne un aspect rose particulier (assez réputé) après cuisson. Voir grès.
* la Puisaye des potiers ou ocre de Puysaye, grés
silicieux (50% de silice) chargé en oxydes de fer. Elle parvient à conserver une
teinte tirant sur le jaune malgré la cuisson (qui devrait transformer les
oxydes jaunes en oxydes rouges même à basse température).
Chers lecteurs, n'hésitez pas à nous faire connaître d'autres produits de
ce type. Cliquer
ici.
Opacifiants
La diminution de la transparence des pigments "oxydes" est opérée
par des substances qui, employées seules, sont souvent blanches ou blanchâtres
:
* l'oxyde d'étain. C'est l'agent opaque le plus utilisé. Son efficacité
est minorée par la présence de métaux
alcalinoterreux et majorée par les métaux
alcalins
non alcalinoterreux
* le chlorure d'étain
(utilisation pour le vitrail et la verrerie)
* le dioxyde de titane pur ou bien brut (rutile), c'est-à-dire mêlé d'oxyde de fer
et rougeâtre
* le silicate de zirconium, se mariant bien à l'oxyde d'étain, est
particulièrement résistant aux rayures et autres actions mécaniques.
Influence
de l'atmosphère du four
Elle est déterminante.
Une atmosphère oxydante peut favoriser les tons chauds alors qu'une
atmosphère "réductrice" accentuerait les couleurs froides. Cela suit
une certaine logique : des éléments comme le fer ou le carbone, très
courants, donnant un aspect chromatique plutôt chaud, sont éliminés
lorsqu'ils ne s'oxydent pas, c'est à dire lorsque l'apport d'air est faible.
Noter qu'il est dangereux de modifier les paramètres d'aération sans tenir
compte de leur influence sur d'autres phénomènes (lire
passage in La terre, substrat, support).
Interaction
avec l'émail, rôle de la glaçure
Le type d'émail employé est l'un des plus importants facteurs déterminant
la couleur obtenue. Les oxydes sont généralement réactifs au plomb. Lire Deux
types chimiques d'émaux principaux.
La glaçure est à peu près aux arts de la
terre ce que le glacis est à la peinture : une
épaisseur vitrifiée, certes, mais surtout un énorme gain de vivacité pour
les couleurs. Cet émail donne une fraîcheur inouïe qui peut traverser sans
encombre les siècles et même les millénaires.
Toxicité
: une parenthèse importante
Pigmentaires ou non, les oxydes peuvent
s'avérer dangereux. On mentionne généralement le risque de silicose inhérent
à l'emploi d'oxyde de silicium, très présent dans les produits, le saturnisme pouvant être
entraîné par l'utilisation d'oxyde de plomb, les dangers plus immédiats de
l'oxyde de baryum ou ceux, variés, impliqués par l'inhalation ou l'ingestion
de cadmium, de manganèse, etc. Contrairement aux affirmations de certains
auteurs, nous pensons qu'il serait très imprudent de croire que la
plupart des autres oxydes sont anodins - tout particulièrement les autres métaux
lourds qui constituent l'essentiel des oxydes pigmentaires !
Il
est important d'éviter l'inhalation et le contact cutané,
sans parler de l'ingestion (du sandwich à la cigarette, les vecteurs ne manquent
pas dans un atelier).
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