Dtp :
La frontière entre le naturel et l'artificiel est plus que floue.
L'Académie française donne au mot
artifice l'étymologie suivante : "Emprunté du latin artificium, « art, métier » et, par extension, « habileté, ruse »."
Les arts plastiques permettent de
relativiser à bon escient et de manière équilibrée un a priori
très ancré dans nos cultures, a priori selon lequel il existerait une
ruse dans ce qui n'est pas naturel.
En effet, par opposition le mot
nature nous ramène - naïvement - à l'innocence de l'être
nouveau-né. En voici l'étymologie (Acad.) :
Emprunté du latin natura, de même
sens, lui-même dérivé de nasci, « naître
».
Il n'est pas sans pertinence d'affirmer
que tout matériau est naturel, y compris les pires poisons. Ne nous
leurrons pas : la nature est souvent dangereuse et de toute façon en
termes de matériaux, il n'existe rien d'autre
que la nature. Les assemblages peuvent être naturels ou de main
humaine, cela ne change rien à leurs propriétés physiques ni à leur
toxicité éventuelle.
Lire l'article
consacré au pigment naturel
opposé au synthétique : lien
Prenons l'exemple que vous évoquez, le
dioxyde de titane. Il est très intéressant.
En effet, le minerai de TiO2
(le rutile) est en réalité on ne peut plus
"naturel".
Tout comme les Anciens déjà
lévigeaient les ocres, on applique au rutile
des traitements de purification (en particulier on le débarrasse de
son oxyde de fer), puis on le broie et on l'enrobe d'une très fine
couche d'alumine ou autre produit (naturel, élémentaire) et le résultat est exactement ce que vous avez dans
votre tube. Il n'y a aucune synthèse. Et quand bien même. Par ailleurs
il serait bien dommage de se priver d'un tel pigment car il est
particulièrement anodin et de bonne qualité. Voir
Le blanc de titane
et passage in
Blanc de zinc, blanc de titane : toxicité.
Il ne faut surtout pas se fier aux
intitulés, aux mots. Prenons la
terre d'ombre naturelle
par exemple. Un très beau nom pour un très beau pigment.
1) on utilise le terme "naturel" par
opposition à la terre d'ombre brûlée mais cela entretient une
ambiguïté, 2) ce pigment est lévigé lui aussi donc traité de main
d'homme, 3) le nom scientifique de la terre d'ombre
naturelle est "sesquioxyde de fer hydraté
plus dioxyde de manganèse". C'est un peu amusant, n'est-ce pas ? 4)
ce pigment est moins anodin que le dioxyde de titane
malgré son nom rassurant.
La nature n'est rien d'autre que des
atomes et des rayonnements. Il n'est pas souvent pertinent d'opposer
le naturel au synthétique, comme le faisaient d'ailleurs remarquer les
Joliot-Curie, déjà, au sujet de la radioactivité (lire
passage in La
transmutation). Il n'y a qu'une seule radioactivité, il n'y a
qu'une seule physique, et enfin, un matériau peut être à la fois
naturel et synthétique.
Il est par contre pertinent de
s'intéresser à la toxicité des matériaux et à leurs propriétés
concrètes. C'est du moins le point de vue soutenu par
Dotapea/ArtRéalité.
La présence de résine
alkyde dans votre peinture est une autre
question. Les alkydes sont des constructions chimiques particulières
puisque ce sont des émulsions. Les
alkydes sont à cheval entre peinture à l'huile et peinture à l'eau.
Une véritable peinture à l'huile est
absolument grasse. Elle est constituée d'huiles à peindre
végétales (lin, oeillette, noix, etc.). Notons au passage que l'on
peut synthétiser de toutes pièces des liants tout aussi entièrement
gras, ce qui ne présente cependant guère d'intérêt.
Huiles de lin
Les alkydes, par rapport aux liants
totalement gras, sont juste des émulsions, à l'instar de substances
dites naturelles comme le jaune d'oeuf
par exemple. La caséine est également une
émulsion, mais faut-il la considérer comme naturelle ? Rien n'est
moins sûr.
Pour travailler sur du papier, si vous
choisissez une huile il faut effectuer une
enduction.
Mais vous pouvez obtenir de très bons
résultats par application directe de gouaches
extra-fines (visez tout de suite le haut de gamme si vous souhaitez
conserver votre travail durablement), d'acrylique ou d'alkydes,
ou encore - cela vous intéressera peut-être davantage - avec des
temperas à l'oeuf, mais dans ce dernier cas,
pour obtenir une bonne peinture on doit effectuer soi-même le mélange
oeuf-pigments.
L'aquarelle semble
moins indiquée pour ce type de travaux. Sous toutes réserves cependant car
certains emplois de cette peinture surprennent.
Il est également important bien sûr de
bien choisir vos pinceaux et de veiller à
certains points comme la neutralité de l'eau ou
la pureté de l'essence et la bonne
adéquation de l'ensemble des produits.
Bien sûr on ne peut en rester à une
position de principe sur la non-opposition entre naturel et
synthétique ou artificiel puisque la question de fond, totalement
légitime, est : est-ce que je sais vraiment ce que je mets sur ma
palette ? Cela vaut pour ce qu'il y a dans l'assiette, dans l'air que
nous respirons, etc. C'est un questionnement contemporain.