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Nano-ciments et peintures autonettoyants :

quoi et comment ?

 

 

 

 

 

A l'occasion de la publication d'un rapport - assez ardu - de l'AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire et du travail), la presse généraliste a eu l'occasion d'évoquer la dangerosité de ces produits. Partant de ce coup de projecteur, en marchant à rebours, journalistes et public ont pu obtenir quelques informations sur lesdits produits, connus seulement jusque là d'un nombre restreint de professionnels. Voici donc l'occasion d'évoquer ces ciments et peintures aux propriétés fantastiques.

 

La communication des entreprises qui les fabriquent était, jusqu'au rapport de l'Affset, peu ou prou la seule source d'informations à part quelques documents déjà datés.

 

Que nous apprenaient-elles ?

 

Annonce de l'Afsset

 

Rapport complet Pdf
(voir pages 78 et suivantes)

 

En premier lieu que la recherche dans ce domaine est liée aux "photocatalyseurs" à base de dioxyde de titane, étudiés dès 1967 par Akira Fujishima (effet Honda-Fujishima), mais que les solutions véritablement efficaces n'ont émergé qu'à l'articulation du XXème et du XXIème siècles grâce à des travaux menées sur un secteur particulier des métamatériaux : le dioxyde de titane nanométrique, sur lequel nous reviendrons (lien). Le projet universitaire européen PICADA, initié en 1990, semble avoir joué un rôle déterminant dans cette évolution.

 

Le matériau concerné, inclus dans un ciment (donc aussi bien un béton) ou une peinture, est de nature à altérer certains matériaux salissants en les brisant de différentes manières mais toujours "intimement", de sorte qu'un bâtiment ou un simple mur peut être rendu non seulement autonettoyant, mais aussi dépolluant, voire désinfectant (projet de peintures spéciales pour hôpitaux). Selon les industriels, on peut en effet d'ores et déjà adapter ces substances à des types de matériaux indésirables à désassembler soit dans l'optique de nettoyer, soit dans celle de dépolluer.

 

De fait, quelques bâtiments de prestige construits depuis 2005 environ sont immaculés. Rien n'empêche d'imaginer une ville magnifiquement propre (rutilante pour faire un jeu de mots - voir rutile), de la chaussée aux toits des immeubles, de l'intérieur à l'extérieur.

 

 

L'église du Jubilée, Rome

Cité des Beaux-arts, Chambéry


 

Agents et résidus

 

Un point cependant fait tache dans cet univers : que devient le matériau moléculaire désassemblé et de quoi s'agit-il ? En 2006, avant même que l'Afsset s'attaque au dossier, une journaliste de Die Welt, Saskia Blank, publie un remarquable article qui pose cette question, relayant les propos de Michael Vergöhl (porte-parole de l'Alliance Franhaufer pour la photocatalyse, groupe de recherche à capitaux privés) et Detlef Bahnemann (dir. du groupe Photocatalyse et nanotechnologie de l'Institut pour les technologies chimiques de l'université de Hanovre).

Article en allemand, en français (traduction automatique).

 

Condensé de ces questionnements : attention à ce que la réaction va enchaîner dans sa totalité ; puis-je exclure la possibilité que des substances indésirables soient produites ; la diversité des polluants est plus grande dans l'univers ouvert qu'en laboratoire ; on dépollue effectivement mais que donneront les réactions secondaires ?

 

Ainsi, alors que l'Afsset fait le choix possiblement contestable pour son rapport 2010 (au demeurant réellement intéressant et instructif) de limiter son analyse à la dangerosité éventuelle des nanostructures de dioxyde de titane - et même exclusivement de leur absorption par voie respiratoire, cf. p. 80 - et non des substances qu'elles produisent, Bahnemann et Vergöhl qui ne sont pas des "contestataires anti-nano" mais des professionnels faisant partie du processus de recherche et développement de ces technologies, pointaient quatre ans plus tôt l'important enjeu de la maîtrise des matériaux engendrés.

Pourtant ce n'est pas rien : les "agents et résidus" seraient (parmi tant d'autres) du dioxygène et des hydroxyles actifs, mais aussi, au-delà, de l'acide nitrique, de l'acide sulfurique, une vaste faune de molécules qui n'attendent qu'à être oxydées et qui inclut des composés organiques, éventuellement vivants puisqu'il est clairement question dans certaines applications de dégrader des membranes cellulaires voire de pénétrer dans la cellule pour la décomposer...

 

A ce sujet, lire un blog remarquablement documenté - lien.

 

Sans exagération, on peut noter que le système est puissant et l'on saisit bien la légitimité des craintes de Bahneman et Vergöhl devant le risque de transformer l'environnement de nos murs en laboratoires sans chimistes où toutes sortes de combinaisons se testeraient sans nous demander notre avis.

Un point rassurant est précisément que les scientifiques qui travaillent sur le sujet sont parfaitement conscients de ces problématiques et sont prêts à les évoquer publiquement.

 

 

Au-delà, ce n'est pas un mystère : les métamatériaux, l'ensemble des productions nanotechnologiques, ne peuvent être évalués comme des molécules individuelles notamment pour des raisons de formes, mais aussi, on le voit, d'effets démultipliés, aux frontières du prévisible. Il ne s'agit pas d'alarmer inutilement mais de pointer un sérieux travail dont nous ne pouvons faire l'économie. La difficulté de cette tâche est encore accrue par le contexte actuel de relatif rejet des nanotechnologies qui influe directement sur les possibilités de communication (1).

 

 

 

Physique-chimie du phénomène

 

 

 

L'effet Honda-Fujishima, premier jalon de ces recherches, est d'un élégante simplicité : on plonge dans un bain d'eau un peu de dioxyde de titane (TiO2) d'un côté et un morceau de platine de l'autre, puis on éclaire. A peu près comme dans la classique expérience montrée aux collégiens, une électrolyse se produit mais cette fois sans apport énergétique autre que la lumière. L'eau se dissocie en hydrogène (H2 côté platine) et oxygène (O2 côté titane).

 

C'est une forme de photocatalyse. Une catalyse dans la mesure où les éléments opérant dans l'expérience (anode et cathode) restent inchangés. Ce processus peut être répété indéfiniment. Il a d'ailleurs été l'objet de tentatives de production d'électricité par l'énergie solaire, mais n'a pas tenu ses promesses dans ce secteur. Photonique parce que c'est la lumière qui fournit l'énergie nécessaire à la formation d'un "courant".

 

Notons que TiO2 est en théorie le blanc de titane des peintres. En théorie seulement : nous y reviendrons (lien), mais il est important de pointer que l'expérience de Honda-Fujishima a de fortes chances de ne pas fonctionner avec du pigment destiné à la peinture.

 

 

Plus tard, le pouvoir oxydant - en fait oxydoréducteur - du TiO2 a été démontré et utilisé, notamment en 1972 avec Toshyia Watanabe pour éradiquer, dit-on, les bactéries dans une salle d'opérations - déjà -, puis pour fabriquer du verre autonettoyant. Le dioxyde de titane donne des surfaces polaires qui ont des affinités avec les autres substances polaires telles que l'eau. Sa surface (même pour un film d'épaisseur nanométrique comme c'est le cas pour les vitres autonettoyantes) attire l'eau et chasse ce que l'on nomme la crasse, à savoir des graisses. Il a cependant besoin d'un apport énergétique pour cela et cet apport est toujours de la lumière, ou selon les cas des UV ou de l'infrarouge.

 

Que signifie "le TiO2 est oxydoréducteur" ? Ceci :

1) les photons qui ont l'énergie nécessaire lui arrachent des électrons. Ceux-ci se promènent alors librement en surface, dans ce que l'on nomme la "bande de conduction". Excités, ils sont dans un état propice à la réduction. Les électrons sont prêts à être donnés à d'autres corps, en général petits et "actifs", comme O2 ou .OH, qui vont réagir à leur tour avec d'autres composés que l'on veut "attaquer".

 

2) ces électrons arrachés laissent des "trous" - c'est le terme consacré - dans la couche inférieure, dite "bande de valence" - la dernière couche électronique véritablement propre à l'atome - qui se trouve ainsi en situation d'oxydation. Elle est localement prête à accueillir des électrons, éventuellement ceux-là même qu'elle vient de perdre. Avec ces "trous" et ces électrons libres, voilà comment, comme dit plus haut, on se trouve en présence d'un corps localement positif et localement négatif, c'est-à-dire d'un corps polaire.

 

Le coeur du sujet n'est pas véritablement la photocatalyse que l'on connaît depuis longtemps, mais l'échelle à laquelle on opère ici.

 

 

La taille

 

Faisons un court détour minéralogique. Le TiO2 existe sous trois formes cristallines naturelles :

* le rutile (très classiquement utilisé pour fabriquer le blanc de titane)

* l'anatase (employé pour les nano-ciments dont nous parlons)

* la brookite.

 

En 1964, on s'aperçoit que l'anatase oxyde les composés organiques plus facilement que les deux autres variétés. Plus tard, on découvre que cette particularité est liée à la taille des structures.

La raison est simple (mais cette information n'est pas confirmée) : la taille fait la distance et la distance détermine l'énergie de transition de bande nécessaire pour faire passer un électron de la bande basse (valence) à la bande haute (conduction). En découlent trois faits :

* l'énergie lumineuse (donc la longueur d'onde, la couleur) nécessaire pour déloger les électrons de la bande de valence varie en fonction de ladite taille du TiO2,

* plus l'espace est petit, plus les électrons libres ont tendance à se reloger rapidement dans les "trous" qu'ils viennent de quitter. On a donc moins d'électrons libres en surface et moins d'interactions avec d'autres corps.

* cependant, sans toucher à la bande de valence, une énergie plus importante de la bande de conduction favorise les réactions d'oxydoréduction.

 

Les points flous...

 

Selon le rapport de l'Afsset, les "particules" (nous dirons plutôt les grains pour ne pas gêner la compréhension bien qu'il ne s'agisse que d'un flou moins flou) sont de l'ordre de 15nm mais il évoque d'autres études où les grains (anatase et rutile) mesurent de 15 à 60nm. A titre de comparaison, selon une autre source un rutile moyen se situerait vers les 35nm, un anatase à 11 et une brookite entre les deux.

De quoi parle-t-on exactement sous le vocable confus de "particules" ? De paramètres de mailles, de groupes d'espace cristallins, de cristallites... Une certaine incertitude règne dans les documentations mais rappelons qu'un atome moyen (par exemple le carbone) mesure environ 0,1nm, une molécule moyenne peut mesurer par exemple 2,5nm, l'espace entre les atomes et entre les molécules est plus ou moins, lui aussi, de 0,1nm (voir Chap. XX des Dialogues de Dotapea).

 

Donc ces grains contiennent forcément plusieurs molécules. Dès lors, il ne suffit pas forcément de parler de tailles mais aussi d'organisation. Fausse piste peut-être, mais voyons cela.

Alors que les grains du pigment blanc de titane se mesurent en microns, on parle de corps plus petits, de formes parfois organisées selon le rapport de l'Afsset puisque "enrobées et fonctionnalisées ou non" en pp. 86 et 97 ("coquille de silice, d'alumine etc."). Mais ceci concerne une utilisation différente, dans les crèmes solaires, un tout autre domaine où l'on cherche précisément à éviter la photocatalyse.

D'autres manipulations sont-elles effectuées sur le TiO2 des ciments ?

 

 

... et les points nets

 

Il est bien possible que non, même si l'on ne peut donner aucune garantie. Comme le souligne l'auteur de l'excellent blog mentionné ci-dessus (lien), "(...) la diminution du diamètre des particules conduit à une augmentation de la proportion d'atomes présents en surface (5 % des atomes d'une particule de 30 nm sont en surface, contre 20 % pour une particule de 10 nm et 50 % pour une particule de 3 nm).

Une masse donnée de nanomatériaux sous forme de nanoparticules sera donc plus réactive que la même masse de nanomatériaux constituée de particules de plus grande dimension.
"

 

En ajoutant cela à ce qui a été écrit ci-dessus sur l'énergie des bandes, on l'a compris : la dimension à elle seule suffit à tout changer.

 

De plus, en poussant l'enquête un peu plus loin, on s'aperçoit que le très anodin pigment blanc de titane (200µm environ) est lui-même enrobé de silice, d'alumine, de zircone (ZrO2) ou d'oxyde de zinc (ZnO) à l'aide de procédés maîtrisés de longue date. Donc le traitement des versions crèmes solaires n'a rien de véritablement exceptionnel. Il n'y a pas lieu de présupposer que des manipulations comparables soient spécifiquement réservées à certaines versions "nanos" là où les écarts de taille modifieraient bien davantage les comportements physico-chimiques.

 

Il en va de même du point de vue toxicologique et environnemental : le pigment blanc de titane est d'une innocuité confirmée alors que l'Afsset donne sur les nano-TiO2 un compte-rendu qui, sans donner de conclusion univoque, laisse vraiment beaucoup de place à des questionnements motivés, parfois de premier plan. D'analyses s'avérant contradictoires en manques d'informations clairement annoncés, l'agence a bien du mal à se positionner. Mais elle trouve le courage de le dire.

 

 

 

 

Autres points

 

L'Afsset précise que malgré la petite taille des "grains", la présence de ce titane dans le béton - où l'on trouve pourtant des grains de sable ou des graviers proportionnellement énormes - donne à celui-ci une microstructure différente.

 

 

Pour terminer cet article, on précisera que les produits concernés sont les ciments, bétons, coulis, briques, revêtements de surfaces et peintures Btp. Bien entendu, l'objectif de l'industriel et/ou de l'utilisateur est de concentrer le plus possible de titane à la surface car sans lumière, il ne produit aucun effet. Or, sans être extrêmement cher, même non traité (donc à l'état de vulgaire blanc de titane) il représente quand même un coût non négligeable, comme le savent tous les peintres.

 

 

______

 

 

(1) S'ajoute en effet, en France notamment, la dimension politico-idéologique qui a pris une tournure disproportionnée et radicale. Les "théoriciens du complot" ont profité des flous et embûches de cette terra incognita naissante pour confisquer en 2009-2010 (par des perturbations et intimidations menant à huit annulations) un ensemble de débats publics sur les nanotechnologies qui aurait précisément permis aux journalistes de relayer de premières informations directes auprès des citoyens sans la médiations d'agences mandatées par l'Etat.

In fine, il nous reste donc, à cause de l'action "luddiste" (lien Google externe), à lire la presse allemande et les communiqués officiels français pour essayer d'élaborer un matériau informatif autorisant un début de libre réflexion. Ce que ces activistes font va au-delà de ce que seraient les espérances du prétendu "état totalitaire" qu'ils entendent dénoncer par un acte... éminemment totalitaire, la confiscation d'un débat public.

(s) Emmanuel LUC, éditeur

 

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