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« Verre liquide »
le vernis parfait ?
Lien direct vers l'addendum
L'application en couche nanométrique d'un nouveau
« vernis » à base de silice semble offrir de vertigineuses possibilités
de conservation dans de nombreux domaines.
Le 4 mars 2010, le site
du journal Courrier International publiait la traduction d'un
article de Die Welt sous l'intitulé « Un revêtement en silice plus
glissant que le Téflon ».
Nous allons revenir sur
cette annonce quasiment ignorée en France en tentant d'apporter
quelques éclaircissements supplémentaires.
La société allemande
Nanopool (Sarre) a mis au point un « revêtement » dont les
propriétés semblent en fait bien plus étendues que celles du Téflon.
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Le
site du fabricant Nanopool (anglais)
Exemples en vidéo
L'article de Courrier International (français)
« La tasse que l'on ne lave jamais », original sur le site de
Die Welt (allemand) |
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Ce « Liquid glass » (Flüssigglass, verre liquide) est en effet une substance invisible à l'oeil nu, résistante à la
chaleur, ne pouvant être rayée, applicable avec un simple pinceau, un
chiffon ou en aérosol, et non toxique, qui a une particularité
extraordinaire : une fois sèche, rien ne peut s'accrocher dessus. Pas
même une bactérie. Rien n'attache (voir lien vidéo dans l'encadré).
Contrairement aux ciments et peintures autonettoyants dont il a été
question récemment dans cette section (lien),
l'action de ce produit serait purement mécanique et non chimique.
Ce serait - du moins à sec - une couche de silice,
c'est-à-dire de verre, mesurant 100 nanomètres
d'épaisseur et pouvant s'appliquer - sous forme liquide - sur un support souple comme du tissu par exemple.
Il pourrait s'agir d'une sorte de « bouche-pores » très
particulier. Consulté, Jean-Louis (lien) fait d'abord un
rapprochement avec l'aérogel :
« Tel que je comprends, c'est le classique "verre liquide" revisité. Ce
sont sûrement les mêmes produits de départ que pour faire des aérogels à
partir de solutions hydro-alcooliques de TMOS (tétraméthoxysilane). Ce
n'est pas forcément hydrophobe comme le
téflon, ça doit juste boucher les pores et faire une couche fine, donc
flexible, de verre de silice. »
Première interprétation à chaud pour une invention encore toute récente
dont on ne sait pas tout (voir addendum) et que l'on est impatient de mieux connaître
tant elle paraît prometteuse.
Ainsi, alors que l'aérogel demande un processus de séchage très
particulier, ce qui frappe ici est la facilité d'application sur toutes
sortes de supports.
On pense naturellement - a minima - à une utilisation comme vernis
pour les arts plastiques et décoratifs.
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Mais pour le moment, dans l'univers des arts, le Liquid glass semble n'avoir
été employé que pour la protection des statues du mausolée d'Atatürk
(photo ci-contre où l'on peut observer une aspersion du produit en spray sur
une oeuvre située en plein air). La question reste ouverte pour d'autres types d'oeuvres.
Les tableaux par exemple.
Le vernissage d'un tableau nécessite normalement la possibilité de
dévernir pour placer un vernis neuf. Qu'en serait-il du Liquid glass ?
« C'est réversible par traitement à l'acide fluorhydrique », répond
Jean-Louis (le
Reptox indique effectivement que cet
acide dissout la silice). Ainsi, un dévernissage
semble difficile mais peut-on raisonner de cette manière en présence
d'un produit aussi stable et peu agressif ? On ne tranchera pas mais on
rappellera que si sur des périodes extrêmement longues, le verre n'est
pas totalement inerte (voir
Courrier des Lecteurs
sur le smalt), c'est lorsqu'il est adjoint de potasse ou de soude,
voire de plomb ou d'autres fondants,
que cela pose un problème bien identifié, alors qu'ici nous avons affaire à
une silice pure.
Alors, le Liquid glass est-il le vernis des vernis ? Ce produit
inoffensif, invisible, neutre, résistant, facile à appliquer sur toutes
sortes de surfaces,
correspond-t-il au rêve de générations d'artistes, d'experts, de chercheurs,
de collectionneurs et d'industriels dont certains ont consacré leur vie à
la question de la conservation des oeuvres d'art ?
La réponse de Dotapea sera normande car deux problèmes subsistent :
* trop peu de tests ont été réalisés pour
établir une évaluation empirique rigoureuse correspondant au niveau
d'exigence nécessaire au traitement d'oeuvres de maîtres (une expertise
du C2RMF serait bienvenue),
* les tarifs sont inconnus, donc on ne
mesure pas encore très clairement le champ d'application concret. Ce
« verre liquide », ce SiO2 ultra « hi-tech », sera-t-il un
produit populaire ou bien demeurera-t-il réservé aux commandes d'états ?
Quoi qu'il en soit, nous pouvons affirmer sans risques que cette
invention élégante (ni destructive, ni intrusive) est du plus haut
intérêt et qu'elle peut d'ores et déjà être exploitée dans un large
éventail de contextes.
Addendum
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Il n'est pas certain que le Liquid glass soit hydrophobe comme le
téflon, cela a déjà été dit ci-dessus. Il s'agit au contraire d'une surface de silice
qui devrait logiquement être hydrophile. L'effet
bouche-pores que l'on peut supposer empêcherait la surface d'être salie,
mais elle n'aurait aucun rapport avec l'hydrophobie et l'oléophobie du PTFE -
polytétrafluoroéthylène -, à savoir le constituant du téflon (et donc
des produits Téfal ® évoqués sur le site du fabricant) dont on dit
qu'il est même « auto-phobe » !
[lire ci-dessous quelques mots sur le téflon
et le fluor]
Sur les vidéos de l'entreprise Nanopool (voir liens
ci-dessus), les liquides glissent sur la surface, mais cela peut
être l'effet des propriétés d'imperméabilité du verre, pas
nécessairement d'un effet hydrophobe. A noter que dans les deux cas cela
fonctionne avec les bactéries : elles n'aiment pas les surfaces lisses.
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Téfal et effet lotus :
une réelle hydrophobie
pour le Liquid glass ? |
Un effet hydrophobe n'est pas à exclure si le film de silice
qui se forme est nano-structuré sous la forme du fameux
"effet lotus"
identifié dès les années 1970
(lien ci-contre).
Notons au passage que cet effet concerne tous les
liquides, aussi bien polaires qu'apolaires (lien
sur polaires/apolaires).
Au-delà, pour revenir au Liquid glass, il semble difficile de former en une application simple (spray ou autre) le film de silice
(et le recouvrir éventuellement de molécules hydrophobes additionnelles). La
préparation de nano-structures n'est habituellement pas aussi aisée.
Une rugosité non périodique pourrait cependant expliquer le phénomène,
ou encore un traitement au silane, mais il ne
s'agit là que d'hypothèses.
Notons au passage que l'on ne sait toujours pas tout sur le téflon
puisque celui-ci, malgré son âge, reste protégé par brevet.
Quelques mots sur le
téflon et le fluor
On peut supposer que la présence dans le PTFE [lien] constitutif du téflon, de l'atome le
plus électronégatif qui soit à savoir le fluor, explique par une
polarité importante du polymère sa puissante oléophobie. Mais il semble
moins simple de comprendre son hydrophobie.
Celle-ci est peut-être - disons bien peut-être - à rechercher du côté
d'éventuels comportements atypiques entre hydrogène (l'hydrogène de
l'eau) et fluor.
Le couple hydrogène/fluor se comporte effectivement de manière
curieuse : HF est un gaz acide corrosif à l'extrême (au point de liquéfier le
verre) qui s'assemble notamment aux alentours de volcans tels que l'Eyjafjöll
islandais en un polymère très léger, à savoir 2(HF), un liquide
mortellement toxique. Précisons que ce fluorure d'hydrogène n'est pas un composant du
panache de fumée volcanique qui traversa l'océan à grand bruit
médiatique en avril 2010, mais un phénomène local.
Cependant, sur les rapports fluor/hydrogène, un travail reste à faire de
notre côté pour comprendre ce qui opère dans l'hydrophobie du téflon.
Des idées, des indications ? N'hésitez pas à nous
écrire.
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Effet lotus :
un
article
avec vidéos
dans l'espace presse
du site du CNRS |
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