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Courrier des Lecteurs

2012 - saison 1/3

 

 

25/4/2012 - A.P.

Médiums et dosages

 
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AP : Merci pour votre site, cela fait plusieurs années que je le consulte au fur et à mesure de mes expérimentations de peintre... C'est formidable de pouvoir consulter une base de donnée aussi riche.

 

Dtp : Merci à vous.

AP : Ma question: je peins à l'huile (couleurs en tubes, marques L. et R.) sur toile préparée. Je recherche depuis longtemps à composer un medium permettant d'obtenir des couleurs les plus mates possible, et de combiner jus consistants (liquides mais pas trop transparents) et empâtements modérés (2 mm grand maximum).

J'ai récemment concocté un medium (recette trouvée sur le site de Kama Pigments), en voici la composition :

- 4 volumes de cire d'abeille
- 1 vol de vernis dammar (que je prépare moi-même à 40 % de dilution)
- 1 volume de standolie
- 12 volumes d'essence de térébenthine

Cela donne un beurre à peindre très onctueux, très mat, qui possède la propriété très importante pour moi de figer rapidement.
Cependant vous mettez très en garde sur le dosage de cire, que pensez-vous de la composition de ce beurre à peindre?

 

Dtp : Hormis l'essence qui va s'évaporer, vous avez 66,7% de cire, 16,7% de standolie et 16,7% de dammar à 40%.

 

Il semble que c'est infiniment trop de cire d'abeille. Ce médium ne peut vous permettre que de réaliser des encaustiques, pas de la peinture à l'huile.

 

La cire est extrêmement fragile. On rappellera ici une citation de Xavier de Langlais, au bout de ce lien. Il faut la doser de manière homéopathique. Ses propriétés sont alors suffisantes pour qu'elle joue le rôle généralement attendu : freiner les mouvements de certains corps internes à la pâte. Le médium vénitien a été inventé pour bloquer le mouvement de chute (glissement) des fonds cérusés frais. On peut s'en servir d'une manière plus contemporaine pour stopper des charges cristalloïdes. Mais pas à de tels dosages, c'est inutile !

 

Dans cette recette il y a aussi, malheureusement, plus de trois fois trop de standolie. Tout cela va très mal siccativer et se fendillera, ou plissera, ou fondra. Ou tous ces malheurs ensemble ! Attention, cela arrive réellement et ce n'est pas drôle. En plus on ne s'en aperçoit pas dans l'immédiat. Il faut parfois deux mois pour se rendre compte que quelque chose ne va pas.

 

Venons-en au coeur du sujet. La question de l'utilité se pose : pourquoi tant de cire, pourquoi tant de standolie ? Quand on passe aux techniques à la cire (non saponifiée), il faut changer radicalement de méthode d'application. On frotte, on réserve, c'est un tout autre travail. Il est possible d'ailleurs ici que la quantité de standolie soit trop importante pour une encaustique.

Du côté de la standolie justement, c'est un solidifiant. On s'en sert d'ailleurs parfois pour certaines peintures destinées à l'extérieur. C'est aussi un liant à fort tirant qui permet d'aplanir et de flouter la touche. Enfin c'est un grand « retardateur de séchage » car elle est lente à siccativer.

 

Le « grand jeu » avec la cire consiste à bloquer certains mouvements mais pas tous sans quoi les oxygènes ne pourront pas atteindre les insaturés. Trop de cire et votre peinture étouffe, même sans standolie. Elle ne siccative pas. Ca ne se voit pas forcément parce qu'elle solidifie la couche picturale mais le résultat ne peut être que fragile. Quelquefois aussi, cela se voit franchement : des "bulles" d'huile sont prises dans la cire, c'est affreux.



AP : Par ailleurs, j'ai aussi besoin d'une matière très liquide, puisque je monte mon tableau à l'aide de jus (ou glacis ?) successifs, et le beurre à peindre dilué à la térébenthine manque d'onctuosité et est trop "mou" pour permettre les superpositions.

 

Dtp : Une note pour les lecteurs : le terme "beurre à peindre" est assez récent et concerne en particulier un produit fabriqué par une certaine marque allemande, "L.". Il s'agit d'un "médium d'empâtement" dont la composition est inconnue. Pas méconnue mais bien inconnue.


AP : A titre de comparaison, j'ai utilisé un autre médium, composé de la sorte:

- 1 volume de standolie
- 1 volume de vernis dammar (que je prépare moi-même à 40 % de dilution)
- 1 volume d'essence de térébenthine

Je commence l'ébauche avec le médium dilué à 25 % avec de l'essence de térébenthine, puis continue dilué à 50 %, puis 75... Je l'utilise rarement pur car il est très collant. Il est très agréable à utiliser car il donne du corps aux jus, permet des superpositions dans le frais et fige rapidement. Mais... il est très brillant, et ne me permet pas d'empâtement (il donne une pâte trop molle). Il est parfait pour les jus superposés.

 

Dtp : 50% de standolie ! Le temps de séchage doit sérieusement s'en ressentir. 5% serait un chiffre raisonnable. La question du pourquoi reste posée : pourquoi la standolie, un solidifiant, dans un jus ?

Ceci dit, le résultat doit être résistant. Si plastiquement le résultat pictural vous convient, le seul danger qui demeure est de sous-estimer le temps de séchage si vous appliquez des jus successifs. L'intérêt est par contre moins évident. Si vous cherchez simplement à donner plus de corps à un jus, il y a peut-être d'autres solutions moins grasses, plus siccatives.

AP : Idéalement, j'aimerais combiner ces deux médiums... J'ai essayé d'incorporer de la cire au medium liquide, mais pas de résultats satisfaisants aujourd'hui (trop de brillance, pâte molle, pas assez d'onctuosité..)

J'ai noté une recette dite "medium mat" dans un livre, mais je suis un peu sceptique sur la formule, qu'en pensez-vous ?

- 10 g de cire préparée (10 g de cire d'abeille pour 100 g de térébenthine)
- 100 g d'huile de lin crue
- 2 g de siccatif de Courtrai
- essence de térébenthine: 600 g pour l'ébauche, 400 g pour la peinture à fond, 300 g pour les retouches

 

Dtp : C'est un petit peu plus raisonnable mais c'est encore trop de cire. Un gramme devrait suffire mais cela dépend aussi - en partie - de la destination du médium.

De toute façon c'est illusoire : la matité induite par la cire ne se révèle pratiquement pas dans un médium mais plutôt dans un vernis, pur, dans le cadre strict d'un double vernissage.

On ne peut pas convier la matité au coeur de la pâte juste avec de la cire. Il en faudrait des quantités incompatibles avec la solidité de la couche picturale.

 

Une petite remarque au passage. Les pigments sont de la fête : certains - surtout parmi les minéraux - ont le pouvoir de rendre mat naturellement, au point parfois même de créer de tenaces embus. Dans les cas moins extrêmes, il vaut mieux simplement éviter de leur adjoindre un médium mat. La connaissance des pigments permet d'affiner l'emploi des médiums.

 

Le siccatif mentionné dans cette recette est sans doute ajouté pour compenser les effets de l'excès de cire sur la siccativité. Quoi qu'il en soit, il contient un métal lourd.


AP : Pour ma part, j'ajouterais bien huile de lin (ou standolie) ET dammar (je pense qu'il contribue à l'onctuosité des jus, à leur prise rapide et à la cohésion et au séchage des couches picturales. Cependant il me semble être le coupable idéal en ce qui concerne la brillance...). Un medium sans résine est-il envisageable?
 

Dtp : C'est une question de définition mais sans rentrer dans les détails lexicographiques, il n'y a pas obligation, non. D'ailleurs le terme "médium" vaut ce qu'il vaut lui aussi et sa définition académique est un peu surprenante. Le mieux est de se référer aux usages.

 

Le dammar, à moins d'être cireux (mal préparé), n'ajoute pas tellement d'onctuosité. De ce côté il faudrait plutôt voir du côté du baume de Venise éventuellement, même si ce n'est pas la destination principale de cette substance.

Le dammar est en effet brillant, handicap pour certains emplois, avantage pour d'autres. Le mastic l'est moins mais il est cher et un peu plus coloré (jaune). Ce sont les deux résines tendres de référence.


AP : Pour résumer, comment créer un medium liquide mat, onctueux et qui fige rapidement, qui permette de diluer fortement les couleurs ?
Que pensez-vous de la composition du beurre à peindre ?
 

Dtp : Comme dit elle est inconnue et l'appellation n'inspire guère confiance. La transparence du beurre, hum...

On table peut-être sur l'onctuosité, le côté rassurant comme une tartine au petit déjeuner. C'est du marketing. Tant que l'usager ne sait rien de ce que c'est, ce n'est pas sérieux.

 

Les charges colloïdales, silice en tête, sont une bonne piste pour obtenir du corps (ou plutôt de l'épaisseur) et de la matité. Pour les lier, une huile à peindre suffit. C'est comme avec un pigment, cela donne une pâte que l'on emploie à peu près comme un médium-gel.

Il existe d'autres méthodes. Fabriquer un médium flamand ou bien travailler sur la cire non pour la matité mais pour pouvoir incorporer des charges cristalloïdes plus pures que les colloïdes et tout aussi mates. Mais c'est assez difficile à mettre au point. Cela peut même nécessiter des cours. Il y a aussi l'émulsion à la méthylcellulose, que beaucoup apprécient pour son caractère épaississant. Elle n'est pas très difficile à réaliser.

 

Mais le mieux est sans doute de commencer par fabriquer un médium à la silice colloïdale comme indiqué ci-dessus. Ensuite chacun adapte. Vous verrez par exemple que c'est tellement mat qu'un peu de dammar n'est pas malvenu, et pourquoi pas un soupçon de Venise ?

 

A lire aussi, mais dans le livre de Jean-Pierre Brazs Manières de peindre, le passage concernant la matité pp. 180-181. En deux mots, fond très absorbant, peu d'huile et de résine, et la cire à petite dose. Les émulsion plutôt ! pp. 145-146 sur les médiums à la cire.

 


AP : La marque X. commercialise un nouveau medium dit "mat", mais ne donne aucune information sur sa composition (pas de réponse au mail que je leur ai envoyé...)

Dtp : C'est se moquer de l'acheteur.

Il ne faut pas acheter ces "choses indéterminées", même venant d'une marque aussi renommée que X. Quelques indications peuvent suffire à se faire une idée, nul besoin de révéler des secrets industriels, alors pourquoi tant de secret ? Y a-t-il quelque chose à ne pas dire ? Sans aller jusque là, cela fait un peu rire : si la marque Y faisait la même chose, pourquoi le client ne lâcherait-il pas X et pourquoi s'intéresserait-il à Y puisque aucun n'a d'arguments de vente ? C'est absurde, il n'y a aucun point de repère !

 

Mais ne rions pas trop car il s'agit quand même là de produits impliqués dans des travaux portant sur des semaines, des mois ou des années. Les tableaux peuvent de plus être vendus. Pas question de faire sur eux des tests de produits totalement inconnus.

S'il survient des incidents, c'est autrement plus grave qu'une tartine tombant du côté du beurre. Ce n'est pas abstrait. Des Lecteurs nous informent de telles situations où l'on voit par exemple revenir un acheteur furieux à cause d'un tableau qui suinte ou telle autre raison liée à la qualité d'un produit du commerce.

 

Les préparations non renseignées ne méritent pas, selon nous, d'être achetées. Sinon, c'est à vos risques et périls le plus souvent.

 

 

Aussi, malgré toutes ces critiques, ci-dessus, concernant vos dosages pour des médiums, il faut souligner le bien-fondé de votre approche. Vous utilisez les produits bruts, vous voulez obtenir quelque chose qui soit "à vous" et non employer des substances toutes faites. Vous avez une réelle attention vis-à-vis des matériaux qui vont composer vos oeuvres. Surtout, on sent le plaisir de la découverte dans votre manière d'en parler.

 

Il arrive, dans cette approche, de butter sur certains problèmes, par exemple de dosage ou de connaissance des produits. C'est justement le moment de la découverte, un passage obligé fait de bonnes et de mauvaises surprises. L'important est d'en avoir conscience, ne pas prendre pour acquis ce qui ne l'est pas. A ce stade, poser des questions est une manifestation de cette conscience. C'est ce qu'il faut faire et c'est bon signe. Surtout, continuez !

 

 

 

 

 

 

 

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