La conduction
électrique
Ce sujet a priori éloigné du champ
des arts plastiques doit cependant être abordé (notamment) dans la
perspective d'une meilleure compréhension de nouveaux matériaux issus de la
recherche en nanosciences.
Un avertissement : les connaissances
sur l'électricité et le magnétisme, non seulement dans le domaine des nanosciences mais pour la physique en général, restent parcellaires. Non
seulement les découvertes sont en partie récentes, mais en plus, de vieilles
questions demeurent sans réponse, telle "qu'est-ce que la charge
électrique ?".

Cette propriété de la matière étant essentiellement fonction
des rapports entre bande de conduction et bande de valence, nous vous
proposons de faire un détour préalable vers un passage de l'article consacré à la
valence, où ce sujet est développé. Cliquer
ici ou sur l'image.
Ainsi, tout semblerait presque dit : en fonction du positionnement du
niveau de Fermi et de la taille de la bande interdite, nous avons affaire à
un conducteur, un semi-conducteur ou un isolant. Mais ce n'est qu'une partie
de la question de la conduction car il existe plusieurs
façons de conduire le courant électrique.
I. Qu'entend-on par conduire ?
CONDUIRE v. tr. (...). Xe siècle. Du latin conducere,
« mener ensemble », puis « conduire ».
I. Mener, guider, diriger vers un but. (...)
II. Gouverner, maîtriser, diriger. (...)
(Académie
française)

C'est Benjamin Franklin qui, en 1747, par une remarquable
performance intellectuelle, tire les conséquences scientifiques et
linguistiques des expériences de Stephen
Gray et Dufay (Charles-François de Cisternay Dufay, illustration ci-contre :
une expérience sur 400m environ avec des fils de soie humectés) : tous les matériaux
sont "électriques", mais certains sont conducteurs et d'autres non. Sur la
découverte de la conduction, on peut lire en ligne un texte passionnant de
Gérard Bovron :
lien
(n'hésitez pas à nous signaler un éventuel lien mort car nous disposons
d'une copie de sauvegarde).
Comme nous l'avons dit dans le chapitre XVII, dans une liaison électrique
ordinaire, les porteurs de charges - à savoir
les éléments matériels (électrons, ions) - se
déplacent moins vite que des escargots (lien
in Dialogues de Dotapea).
Ce sont des photons qui pour l'essentiel transmettent le courant de proche
en proche à une vitesse beaucoup plus élevée, de l'ordre de plusieurs
dizaines ou centaines de milliers de kilomètres par seconde, en fonction du
matériau. A condition, en premier lieu, que les
bandes de conduction des éléments puissent
bien "conduire" le courant, le mener quelque part sans quoi la
transmission n'est que partielle, voir nulle. Par exemple une "résistance", dans le
vocabulaire commun, est un radiateur électrique qui, parce qu'il comporte un
élément résistant, restitue en bonne partie
l'énergie qu'il reçoit "sans la mener vers un but", à la façon d'un
corps noir qui rayonne dans toutes les
directions, c'est-à-dire indépendamment de la
polarisation associée au champ électrique.
[Une précision entre parenthèses -
cliquer ici pour passer la parenthèse]
Tout comme un semi-conducteur, un
matériau isolant peut être concerné par des phénomènes dits de "paires électron-trou". Mais cet isolant est par essence dans
l'incapacité de transmettre le courant. Il faut donc bien distinguer courant
et phénomènes de trous.
Cette précision, ici, est due à des paraboles explicatives récurrentes sur
ces paires qui peuvent réellement induire en erreur. Notamment la plus
connue : celle de la rangée de spectateurs,
que l'on n'évoquera pas davantage afin de ne pas semer la confusion. Les analogies
avec des bouliers ou des boules de pétanque dans une gouttière ne paraissent
pas plus souhaitables.
En effet, un phénomène
diélectrique (dans un isolant), soit un mouvement
d'électrons et de trous propres à un atome, ne fournira pas par magie un moyen de conduire un courant. Sauf cas particuliers (évoqués
ci-dessous), c'est le passage d'une porteur de charge dans la bande de
conduction qui permet... la conduction. Une fois que cette transition a eu
lieu, ce qui se passe dans la bande de valence ou la conception du trou
comme particule fictive e+ nous intéresse moins dans le présent sujet. Tout
au plus peut-on supputer que ces phénomènes (disons le mouvement tropique
des charges dans la bande de valence) contribue à véhiculer le champ
électrique et (peut-être) subséquemment les électrons locaux de la bande de
conduction. A confirmer.
Mais toute personne
souhaitant évoquer, à l'aide de ce genre de paraboles, ce phénomène de manière réellement pédagogique
devrait entrer dans la logique de diffusion sous-tendue par la
théorie de l'électrodynamique quantique relativiste de Feynman et veiller à
ne pas isoler les exemples pris par ce prix Nobel de leurs différents
contextes.
En effet, on en vient à lire que la rencontre entre un électron (réel) et un
trou (fictif) donne lieu à une sorte d'annihilation dégageant un photon. Il
s'agit plutôt, vraisemblablement, de la redescente énergétique d'un électron
de la bande de conduction à la bande de valence, occasionnant en effet
l'émission d'un photon. On voit à quel point une confusion entre trou et
antimatière peut vite s'installer. Un "trou", ça n'existe pas en
tant que particule. Un positron,
cela existe.
[Fin de la parenthèse]
|
Ainsi donc, un courant électrique suppose un matériau
conducteur ou, dans le cas des semi-conducteurs, un apport local d'énergie
ou bien un enrichissement à l'aide de matériaux favorisant la conduction (on est
dans le cas du "dopage électronique" mais celui-ci a généralement une autre
vocation).
Au-delà, la bande de conduction est partagée, commune. Les
liaisons entre les atomes y sont de type métallique (cf.
la liaison métallique, à distinguer
des liaisons covalente, ionique ou "H"). Les "électrons libres" - terme
consacré - qui s'y trouvent peuvent y voyager mais leurs trajectoires seront
essentiellement régies par les champs électromagnétiques. Le terme
conduction prend tout son sens.
Pour terminer cette section, insistons sur le fait qu'un corps
semi-conducteur, comme son nom ne l'indique pas,
n'est pas à moitié conducteur : il peut être localement ou
globalement conducteur ou isolant, selon qu'il y a ou non apport d'énergie.
Comme avec un conducteur, la part excitée et conductrice du semi-conducteur
implique absolument une circulation électronique de type métallique dans une
bande de conduction partagée par plusieurs atomes.
II. Transport "balistique" du courant
Certains matériaux - nous entrons dans le vif du sujet -
permettent une transmission différente du courant. Il s'agit de ceux dans
lesquels le transport électrique se fait non via des photons mais
directement par le mouvement des électrons, en l'absence de résistance,
c'est-à-dire de chocs inélastiques [1]. Ces électrons extrêmement rapides sont
surnommés "électrons balistiques", comme tout projectile véhiculant son
énergie grâce à sa vitesse appliquée à sa masse. e=1/2mv2.
De quels matériaux s'agit-il ?
* d'abord d'un non-matériau, le
vide. Un électron s'y déplace évidemment sans résistance. C'est le cas dans
l'espace, dans un synchrotron ou dans un tube cathodique. Cependant, en
l'absence de matériau conducteur, dans un flux, les électrons étant de même
signe, ils ont tendance à se repousser mutuellement. L'action d'électro-aimants (e.g.
le "joug
magnétique" du tube cathodique) permet de confiner le flux, de guider
sa trajectoire et même d'influer sur sa vitesse. A strictement parler, on a
bien là une conduction, mais avec une sorte de "bande de conduction
artificielle". Terme au demeurant impropre car de tels mouvements se
produisent dans l'espace de manière absolument naturelle.
* d'un supraconducteur. Là, se
produit un effet quantique. Un électron associé à un autre - dans des
conditions plutôt contraignantes car il faut entretenir un certain froid
ambiant - donne par addition de leurs deux spins de 0,5 un "corpus" bosonique
au spin entier (paires de Cooper, théorie BCS). Une telle paire bénéficie d'une capacité de
déplacement très particulière, sans résistance.

* de
polycycles dits bidimensionnels. Graphène, nanotube, fullerène
(ci-contre un nanotube de carbone) : on
parle là de "feuillets cristallins" dont l'épaisseur est d'un atome. Le
terme "bidimensionnalité" fréquemment employé par la presse est usurpé car un seul atome occupe toutes les dimensions
[2]. Considérons-le comme
une commodité. L'important pourrait
être que ce type de configurations "planes" implique de fait beaucoup moins
de liaisons, donc d'obstacles dans la transmission d'un courant
"balistique". Information non confirmée. Il est possible aussi que cette réduction des interactions
suscite des effets quantiques. Toute personne disposant d'informations sur
ce dernier point est bienvenue à nous écrire.
En marge, on peut aussi citer un type de
polycycles tridimensionnels : certains
diamants synthétiques dopés, notamment au bore
(cf. Bleu de France),
auraient aussi des propriétés de conduction balistique (non confirmé).
Quel est l'intérêt de cette conduction ?
* dans le cas de la
conduction dans le vide, le guidage magnétique des électrons est extrêmement
fin et leur vitesse peut être portée très près de celle de la lumière.
L'incorporation d'une faible quantité de gaz donne par ailleurs de très
intéressantes applications dans le domaine de l'éclairage (tubes à néon,
lampes à iode, à corps halogènes, à plasma) où le choc direct des électrons
avec les atomes gazeux provoque une ionisation ou une hausse de l'énergie
des électrons suivie d'une baisse qui s'accompagne de l'émission de photons
(photoluminescence). Certains types de
soudages sont également réalisés avec des faisceaux d'électrons.
* dans le cas des
supraconducteurs, il s'agit notamment d'amplifier considérablement la
lévitation de corps diamagnétiques et d'autres jeux sur l'attraction et la
répulsion. On peut citer comme exemple d'application le train magnétique
japonais MagLev (lien
vers recherche Google). En complément, lire aussi
passage et notes 2 et 3 in
Chapitre XXVI des Dialogues, où est abordée brièvement la question des
applications artistiques.
* dans le cas des
polycycles bidimensionnels, le peu de résistance électrique permet un
réchauffement minimal du corps conducteur et une grande rapidité de
transmission du courant, ce qui constitue de précieux avantages pour la
fabrication d'une partie des composants électroniques.
Une partie seulement
en effet : seuls ont des propriétés semi-conductrices certains nanotubes
(préparés en jouant sur le nombre de cycles, l'hélicité du tube ou la taille de la section), le
"diamant dopé" et une version encore expérimentale du graphène,
le graphane (un graphène adjoint d'atomes
d'hydrogène alternés sur et sous la feuille). Or, de telles propriétés sont
nécessaires pour rendre possible le stockage de données.
Pour cette raison, à cause aussi des coûts de fabrication et de réels
problèmes d'assemblage, ces matériaux ne
parviennent pas pour le moment à détrôner le silicium.
A ces propriétés de conduction sont associées des propriétés magnétiques qui
sont toujours en cours d'exploration (en 2013).
Par ailleurs,
* ces polycycles sont également
de très puissants conducteurs thermiques,
* les diamants
synthétiques peuvent donner des résonateurs sonores remarquables,
* les nanotubes de carbone
suscitent des effets de pointe phénoménaux.
Recherche Google sur l'effet de pointe.
* ils permettent aussi de créer
des "surfaces ultranoires" grâce à leur faculté
d'absorption de la lumière.
* le graphène permet, par sa
conductivité, sa finesse et son caractère plan, de susciter le fameux
effet Casimir, un phénomène quantique.
Recherche Google sur l'effet Casimir.
_____
[1] "Choc" inélastique
photon/électron : on donne cette image du photon qui tape sur un électron et
rebondit plus ou moins bien. Elle est fausse. Ce n'est pas du billard. Le photon
qui interagit disparaît, il est absorbé. Et l'électron réagit en renvoyant un
photon jumeau de même énergie ("choc" élastique, diffusion Rayleigh) ou un
photon d'énergie différente ("choc" inélastique, effet Râman, diff. Stokes,
anti-Stokes). [Contribution de Jean-Louis]
[Add.] D'où l'on peut dire qu'un choc photon/électron est inélastique lorsque
de l'énergie y est échangée.
La parabole du billard est erronée mais elle peut être utilisée dans certains
cas, pour illustrer certains aspects des phénomènes d'impulsion.
Un exemple ici, avec une voile
solaire. Souvent, une image, un métaphore, "fonctionne" dans un contexte et
induit en erreur dans un autre.
[2] Il existe cependant des
recherches en ce sens :
lien externe - merci de bien vouloir nous écrire en cas de
rupture du lien.
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