Dtp :
D'abord, nous sommes désolés pour votre père.
Ces rumeurs sur les peintures
glycérophtaliques sont très floues et absolument pas confirmées. Il
faut faire très attention à ne pas se tromper de cible ou de cause.
Comme pour l'acrylique, vous trouvez
dans une "glycéro" non seulement un liant mais aussi différents
solvants et agents divers souvent peu avenants.
Toluène,
xylène,
isothiazolinone, etc.
Peut-être retrouverez-vous dans un an les mêmes peintures mêlées à
d'autres agents. Ou peut-être, après tout pourquoi pas, la formulation
propre des liants aura-t-elle changé.
Bien sûr, ces problèmes existent. Pour
autant, stigmatiser d'un bloc une aussi vaste famille de molécules
pourrait poser un problème de pertinence. A de nombreux points de vue
un monomère n'est pas un polymère, ni un simple composé dérivé qui
pourrait sembler à peine plus élaboré que sa base mais qui aura lui
aussi des propriétés très différentes.
A part quelques exceptions (les éléments
radioactifs), une base chimique même dangereuse n'est
pas une malédiction pour ses "descendants" parce que les comportements
et les interactions sont très dissemblables, en particulier dans
l'immense famille des carbures. Comparez les
polystyrènes au
styrène par exemple. A la base, c'est la même chose, mais si vous
pouvez prendre les premiers entre vos mains, le second fait partie des
pires poisons que vous puissiez trouver sur la planète.
Si l'on veut s'attarder un instant à la
dimension biologique de la question, même des molécules ayant la même
formule n'ont pas du tout la même action biologique à cause de leur...
forme ! (cf. passage in chap.
IX des Dialogues de Dotapea). Dans ces conditions, on ne peut pas
mettre toute une famille moléculaire "dans le même tonneau".
On ne peut rejeter en bloc tous les hydrocarbures comportant deux benzènes comme
le naphtalène que vous évoquez. Les
molécules de ce type ne sont pas rares. Du côté couleurs, même dans la
pourpre ou l'indigo
vous avez deux benzènes. Ce sont pourtant des teintures qui ont été
portées à même la peau depuis des millénaires.
Enfin il faut noter, en plus de ce que
l'on peut éventuellement dire des procédés industriels, que les
contraintes professionnelles peuvent aussi amener des intoxications.
En particulier, la plupart des peintres
déco/btp utilisent des white-spirits
à coût modéré comme diluant de la glycéro. Or, ce type de whites
contient une proportion notable de benzéniques libres très toxiques.
Leur odeur ne doit pas
être confondue avec celle de la glycéro qui est plus discrète.
Il ne faut pas respirer du white-spirit tous les jours. Et pourtant,
c'est bien ce qui se passe pour des milliers de peintres décorateurs.
Parenthèse : dans les forums, on lit des témoignages
d'amateurs sur la mauvaise odeur de la glycéro, certainement confondue
avec celle du white-spirit. On constate en peinture
artistique la même confusion entre l'odeur de la térébenthine et celle
de l'huile de lin.
Un autre aspect de la problématique que
vous soulevez (merci !) est que l'éventuelle toxicité phtalique que
vous évoquez devrait aussi concerner les peintures
alkydes "Beaux-arts" (émulsions maigres),
que bizarrement personne n'évoque comme dangereuses ou sentant
mauvais. Bizarrement ? Pas tant que cela : ces peintures se diluent à
l'eau, pas au white-spirit. Pas de confusion olfactive avec le
diluant.
Mais il existe aussi une
dimension culturelle dans ces
questionnements. A ce sujet, lire
l'encadré
d'un autre Courrier portant sur un sujet proche.
White, solvants, conservateurs, liants,
pigments... Ce n'est pas facile de prendre la mesure de chaque
paramètre. On n'a pas de réponse globale. Nous pouvons dire que ces
choses-là ne
marchent pas simplement par familles de molécules.
Viser juste n'est pas simple, surtout lorsque les sujets sont aussi sérieux. Cela nécessite
de la prudence. Donc non, cher AB, à notre grand regret nous n'allons pas
pouvoir suivre votre
conseil pour le moment, nous en sommes désolés. Mais nous sommes à
l'écoute.
Chers lecteurs si vous disposez
d'informations fiables sur les évolutions de la peinture
glycérophtalique, n'hésitez pas à entrer en
contact avec nous.
[Ajout 2011]
Différents contacts
industriels liés ces dernières années dans le contexte de Dotapea, nous ont appris que la législation
européenne a bien pris pour cible les peintures
glycérophtaliques. Et de fait, elles disparaissent des rayons.
Reste que le toluène est
souvent présent dans les peintures acryliques qui vont les remplacer.
Au-delà de l'odeur, quelles sont les garanties concrètes d'innocuité
de cette révolution ?
Alors qu'il aurait
peut-être suffi de contrôler davantage les diluants et les adjuvants
de la peinture glycérophtalique à l'heure où l'industrie du raffinage
propose des white spirits de plus en plus purs à faible coût, nous
voyons disparaître une industrie européenne de dimension colossale au
profit d'une autre guère mieux contrôlée mais entrant, via l'Union -
qui s'est brillamment illustrée en laissant dépecer l'industrie
textile européenne en 2005 -, dans les cadres idéologiques, de plus en
plus contestables en cette période de crise, de l'Organisation
Mondiale du Commerce (lire par exemple
cette page sur le site de l'OMC) et les cadres culturels et
commerciaux d'outre-Atlantique.
Emmanuel Luc
Octobre 2011
[Fin ajout]