L’Atelier

C. O. Bonvin, Artiste-peintre

INTRODUCTION AU DESSIN

EUGÈNE DELACROIX:
« La justesse de l'œil, la sûreté de la main, l'art de conduire le tableau depuis l'ébauche jusqu'au complément de l'œuvre (...), demandent une application de tous les moments et l'exercice de là vie entière. Il est peu d'artistes, et je parle de ceux qui méritent véritablement ce nom, qui ne s'aperçoivent, au milieu ou au déclin de leur carrière, que le temps leur manque pour apprendre ce qu'ils ignorent, ou pour recommencer une instruction fausse ou incomplète. » Journal.


J’ai écrit ce cours à la suite de plus de vingt ans d'enseignement du dessin et de la peinture en cours particuliers. Ceci totalise une expérience d'enseignement sur près de huit cent personnes et a permis d'en tirer un savoir précieux. La plupart des informations contenues dans ce texte proviennent de la bouche de peintres avec lesquels je me suis formé et de leur application à l’enseignement.
Le dessin est la partie de l'art la plus ingrate. L'entraînement et les efforts qu'il demande peut faire perdre de vue le plaisir de la création artistique.
À une époque qui a vu fleurir l'art minimal ou l'art conceptuel pourquoi se préoccuper de dessin ?

La peinture moderne oscille entre esprit et matière. Le carré blanc sur fond blanc est un extrême. (Puisque l'art n'est que la représentation de l'esprit.... dixit Malevitch.)

Un objet courant, simplement posé sur un socle avec un titre, en est l'autre. (Puisque l'art n'est que la représentation du monde matériel.... dixit Duchamp.)

Entre ces deux extrêmes un équilibre artistique pourra être trouvé. A condition de garder une certaine honnêteté dans notre démarche.
C'est en asservissant la matière, en la connaissant, en redécouvrant les lois optiques de l'univers physique qui l'entoure que le peintre possédera les outils lui permettant de s'exprimer.


En dessin la matière est réduite au minimum : un crayon et un bout de papier.

Il reste alors à découvrir les lois optiques de la nature et comment les traduire sur la feuille. Pour cela il faudra observer et dessiner.


La photographie puis la télévision nous ont donné une telle profusion d'images que leur impact nous a fait perdre de vue qu'à quelques centimètres à gauche du poste de télévision il y a la
nature. La nature, partition du peintre.

Galaxy note dessin du chat
 Croquis, le chat, réalisé sur Galaxy Note. C. Olivier Bonvin

Dans ces carnets, Léonard de Vinci disait :
"Le peintre produira des ouvrages de peu de mérite s'il s'inspire de l'ouvrage d'autrui; mais qu'il se tourne vers la nature, il obtiendra un bon résultat. Nous le voyons avec les peintres qui
succédèrent aux romains; ils s'imitèrent continuellement et d'âge en âge leur art ne cessa de rétrograder."


Ou en sommes au aujourd'hui ?
Fruit de ces années d'enseignement du dessin, la constatation suivante est ce qui a motivé l'écriture de ce cours.
La plupart des personnes venant me voir pour pendre des cours de dessin, avaient déjà fréquenté des ateliers ou avaient acheté plusieurs ouvrages didactiques sur le dessin sans en tirer
tous les fruits qu'ils étaient sensés obtenir.
Il semble que l'enseignement du dessin présente certaines lacunes. En fait il n’est même plus enseigné dans les écoles, y compris les écoles d’art.
Quel sont les éléments manquant?
Y a-t'il un secret, gardé jalousement par quelques maîtres?
Ou sommes-nous trop stupides pour comprendre, le don nous faisant défaut?
Beaucoup de peintres ont dû trouver par eux-mêmes les informations que leurs professeurs ne leur avaient pas données.
Que dire alors de Vincent Van Gogh ou de Paul Cézanne, eux qui ont presque tout appris seuls? Était-ce uniquement un don ou bien ont-ils travaillé dur pour conquérir de haute lutte ce savoir?


Il y a quantité de livres qui traitent du dessin, de la perspective, des matériaux à utiliser, des astuces et des conseils...

C'est pourquoi nous ne parlerons pas ici de ce qui est déjà décrit ailleurs, essayant de montrer de manière précise les fondements du dessin et les techniques dont on ne parle pas.

Il n'y a pas qu'une seule manière de dessiner. Mais il y a des bases uniques et irremplaçable qu’on doit connaître. Chaque artiste développe sa façon d'aborder les sujets, utilisant telle ou telle technique selon le cas. Ils le font après avoir fait leur temps d'apprentissage.


Ajoutons qu'il est facile de critiquer et beaucoup plus difficile de faire.
Une critique n' a de la valeur que dans la mesure ou elle indique aussi comment faire mieux. De même qu'un acteur s'entraîne devant son miroir et déclame vingt, trente, cent fois la même phrase, de même qu'un musicien fait ses gammes, étudie toutes sortes de partitions, il est nécessaire de consentir à certains efforts afin d'obtenir un résultat concret dans le dessin et la peinture.
L'académisme à outrance ayant, à juste titre, provoqué les révoltes du siècle passé, un laisser aller complet dans le dessin en sera l'extrême opposé à éviter.

Le dessin est "l'hygiène" du peintre, (ce n'est pas de moi, mais c'est tellement vrai!) on y revient toujours et en fait un peintre dessine ou esquisse tout le temps.
Le don existe bien sûr, mais tous les doués que j'ai rencontrés, dessinaient beaucoup.


Je pense que nous avons perdu, dans une certaine mesure et dans le domaine du dessin, l'enseignement structuré qu'on peut trouver dans d'autres domaines artistiques.

Des idées répandues telles que “le dessin ne sert à rien, il suffit de créer” ou “ne les faites pas dessiner, ils perdront leur spontanéité” ou encore “toute la connaissance est en vous, il suffit de la révéler...” ou même "je ne peins que ce que j'ai dans mes tripes..." sont révélatrices. Ces idées témoignent non seulement d'une grande ignorance mais d'idées fausses visiblement inculquées et tenues pour vraies. Ce ne sont que des signes d'une culture sapée de l'intérieur avec les plaies des mauvais enseignements d'un passé dont les cicatrices ne se sont pas refermées.

Notons au passage que ce changement culturel est arrivé entre le 19ème siècle et le 20ème siècle. Entre 1890 et 1920 tout s'est joué: avènement de la psychologie, de l'industrie, de l'électricité et une première grande guerre au détriment des humanités et de la culture.

Quand à l’idée que le dessin est “thérapeutique“ je la laisse aux spécialistes...