En France, l’État dirige la création 

Paul McCarthy Credit appelongen(dot)be (Creative Commons)
Paul McCarthy Credit appelongen(dot)be (Creative Commons)

À l’occasion de la sortie de son dernier livre L’imposture de l’art contemporain, Aude de Kerros à donné un entretiens que je reproduis en partie ci-dessous. Aude de Kerros est graveuse, artiste peintre et l’auteur de plusieurs essais sur l’art et la culture. Pierre-Louis Gourdoux a dirigé cet entretien.

Comment se fabrique la valeur d’un produit d’Art contemporain sans valeur intrinsèque et ne répondant pas à des critères esthétiques ?

En France, l’État dirige la création.

Depuis 1983, un corps de fonctionnaires existe et vous en avez sûrement jamais entendu parlé. Il s'agit du corps des Inspecteurs de la Création, créé par Jack Lang en 1983, qui est aussi une exception administrative : ces fonctionnaires ne sont pas astreints à fournir arguments, critères et justifications concernant leurs choix artistiques. Ils n’ont aucun compte à rendre de l’argent public qu’ils utilisent au contribuable. Les ressorts et les pratiques de la vie artistique en France demeurent dans l’ombre.

Comment s’est opérée l’éviction des artistes non conceptuels sur la scène française ?

C’est en effet un problème spécifiquement français, lié en grande partie à l’intervention massive de l’État dans le domaine de la création. De 1983 à nos jours, les inspecteurs de la création ont fait le choix d’un seul courant artistique, le conceptualisme, et ont exclu tous les autres pour cause de « non – contemporanéité ». Ils appartiennent à un archéo-courant intellectuel très présent dans le fonctionnariat d’art et l’Université française qui croit religieusement au sens déterminé de l’histoire.

Après la chute du marché de l’art en 1990, l’État est devenu l’unique filière de consécration en France. La Direction des Arts Plastiques a pu créer grâce à une politique de subventions, de reconnaissance et de faveurs, un réseau unissant associations, mécènes, collectionneurs, critiques d’art, presse et galeries amies. Ainsi l’intervention massive de l’État et son réseau a tué la concurrence, c’est-à-dire galeries et filières de consécration défendant les artistes non labellisés par la rue de Valois. Le marché n’étant plus florissant comme lors des années 1980, leurs moyens financiers ont décliné et la visibilité des courants non officiels a disparu des médias.

Cette concurrence déloyale de l’État est spécifique à la France. Dans l’international on constate une diversité.

C’est un fait : l’effondrement momentané du marché, en 1990, a favorisé l’apparition d’un art officiel rigoureux en France. Sa légitimité, qu’il est interdit de contester sous peine de passer pour un fasciste, vient de la théorisation de cet art présenté non seulement comme seul « contemporain », mais aussi  comme seul moralement acceptable.

Je vous laisse apprécier la totalité de l'article ici.