Dtp :
Effectivement il faut tenter de faire le
point, sachant que pour être bien rigoureux il faudrait effectuer une recherche
vraiment très approfondie que Dotapea n'est pas en mesure de réaliser.
Il semble nécessaire de plonger dans les réglementations nationales et européennes
et les éventuelles dérogations et infractions connues, tout cela sur
le siècle écoulé. Nous pouvons seulement passer en revue
différents éléments actuels.
Pour se faire une idée
des enjeux,
lire l'article
Vermillons, cinabre
et en particulier
ce passage
A partir du 15 mars 2011, tous les
produits, alliages, minerais et mélanges contenant du mercure - donc
le vermillon de cinabre - seront
considérés comme des déchets dans l'Union
Européenne, ni plus ni moins.
Cela concerne "l'industrie du chlore
et [de la] soude, l'épuration du gaz naturel, la mine non ferreuse, les
opérations de fusion et le cinabre" (Bulletin UE 9-2008,
Environnement 10/11), ce qui suppose au
passage qu'il faudra assurer le stockage dudit déchet dans l'Union "afin
de faire en sorte qu'il ne soit pas remis sur le marché intérieur."
(prop. adoptée n° 1.22.18). Ce stockage sera effectué dans de
profondes mines de sel gemme.
Dit autrement, il semblerait que l'on ne
veuille plus de mercure en Europe. Du moins, cela semble bien être
l'objectif recherché.
L'adoption de cette réglementation
par le Conseil a eu lieu en automne 2008 après ce que la presse a nommé
"la bataille du mercure", un rapport de force entre industrie et
pouvoir politique.
Cependant, bien que la question de
l'importation ait été soulevée lors des travaux parlementaires, aucune
réponse effective ne lui a été donnée
[1]. Une partie du problème n'est donc absolument pas
résolue.
L'importation en France dans les années
1990 aurait représenté quelques dizaines de tonnes (nous ne disposons
pas de chiffres plus récents). Les pays producteurs (Espagne, Italie,
...) disposeraient de réserves de dizaines de milliers de tonnes
qu'ils ne mettraient sur le marché qu'en fonction de la demande.
Les fongicides et bactéricides
au mercure ont été interdits en 1979, les piles en 93, les
thermomètres en 99, mais s'il existe bien des réglementations sur le
teneur de l'air et de l'eau en mercure et dérivés - notamment dans les
milieux professionnels -, on ne relève guère d'informations - hormis
les futures interdictions liées à la nouvelle loi -
concernant les batteries électriques, les agglomérats dentaires, les
vaccins, certains éclairages, ni...
les peintures.
Un rapide coup
d'oeil au Kompass (lien)
est d'ailleurs particulièrement édifiant sur la disponibilité de ce
métal. Parmi des centaines de fournisseurs, certains proposent par
exemple des fongicides. Respectent-il bien la loi de 79 ?
Possible, mais seulement s'ils sont exportateurs. Et seulement jusqu'à
2011.
Une telle affaire ne sera pas close en
mars 2011, car même s'il faut saluer cette nouvelle législation, on
doit résoudre les problèmes :
* des
trafics clandestins, notamment ceux liés à l'orpaillage,
* des pays
en difficulté (Madagascar par exemple) où certains tentent
désespérément de vendre leur minerai (Dotapea a déjà été sollicité en
ce sens il y a quelques années),
* des
dispositifs de recyclage pas forcément souhaitables,
* des
laboratoires de recherche qui peuvent avoir besoin de ces produits,
* des
substituts pouvant intervenir dans les chaînes industrielles,
* et enfin
de la réserve pigmentaire nécessaire à la restauration de certaines oeuvres d'art.
Le volume de travail que cela représente
est, on le voit, très conséquent. Il appartient donc dès maintenant,
pour le peintre artistique ou décoratif, de choisir d'assumer ou de
refuser de peindre avec un déchet toxique. Reste aussi pour le
détaillant à s'assurer que les pictogrammes et avertissements légaux
sont bien présents sur les produits mis en vente, si cette vente est
légale. Le cas que vous évoquez est inquiétant.
Au passage, rappelons l'existence d'une
disposition peu appliquée, la tenue d'un
cahier d'apothicaire.
DV : Je
crois qu'un fois fixé sur le tableau il n'est plus toxique, mais qu'il
ne l'est que pour moi qui l'emploie si je ne fait pas attention.
Dtp : Il reste absolument toxique mais il
est enrobé. Enrobé par des matériaux qui sont souvent un peu poreux et
qui de toute façon se transforment au fil des décennies.
Raison pour laquelle l'atmosphère influe semble-t-il beaucoup sur la conservation
du vermillon et d'autres pigments de ce type. Les liants ne sont ni
parfaits ni éternels. Même le verre, a-t-on pu dire dans un
article récent !
DV :
Mais le problème est et reste la
pollution, c'est à dire le mode de fabrication, les rejets possible
dans la nature.
Dtp :
Absolument. Il y a les rejets dans l'évier, bien sûr, mais surtout le
fait qu'il s'agisse là d'une poudre. Il faut prendre toutes les
précautions possibles contre le contact cutané, l'ingestion,
l'éparpillement, etc. En fait il vaudrait mieux ne jamais ouvrir ce
genre de boîtes.
DV :
J'ai acheté ce vermillon parce qu'il y a
de nombreuses années je le trouvais très couvrant, donc on pouvait en
utiliser de petites quantités.
Dtp : Comme la céruse. Ces substances ont
un réel intérêt.
Cependant 1) la permanence du vermillon
reste l'objet d'une polémique sérieuse, 2) quand le pot de pigment est
vide, l'intégralité de son contenu est de fait éparpillé dans la
nature à moyen, long ou très long terme. Certes, ce n'est pas un déchet
industriel mais cela soulève le problème de fond associé au mercure :
dès qu'il est extrait de sa mine (ou autre source), « le mal est
fait » car on ne sait qu'en faire à part
l'entreposer dans des mines de sel, au mieux.
S'il existe des atteintes extrêmement
violentes (l'épouvantable exemple de
Minamata est cité dans l'article Vermillons, cinabre),
certains auteurs et institutions mentionnent aussi une pollution
diffuse plus discrète qui est actuellement l'objet de recherches, et un cycle naturel du mercure (bien documenté
sur le web, par exemple
ici - p. 24) avec lequel il vaudrait sans doute mieux ne pas
interférer davantage, notamment dans la mesure où nous, humains, sommes
les victimes les plus exposées, étant au bout
de la chaîne alimentaire.
On peut comprendre les choix des
décisionnaires politiques d'aujourd'hui, qui tendent à soustraire de
l'environnement le mercure qui en a été extrait.
Certes ils doivent tenir compte du fait
que l'industrie n'est pas encore prête à s'en passer, et sans doute
doivent-ils faire des
concessions (les importations), mais le cap est fixé. Reste à
contrôler ces progrès dans les faits.
DV :
Parfois quand on voit le nombre de
voitures on se demande si cela vaut bien la peine de se
tracasser.
Dtp : Les autos ne sont pas peintes avec
de tels pigments. Ce serait catastrophique à grande échelle.
Heureusement, il existe une palette de couleurs industrielles bien
fournie et bien moins toxique que les substances mercuriques.
Souvenons-nous que Minamata était terrible. On
parle là de produits presque aussi encombrants que les déchets
nucléaires.
DV :
Je me demande si le vermillon du magasin
n'a pas été trouvé dans les réserves par un jeune employé, qui l'a mis
dans les rayons sans bien savoir.
Évidemment il y avait un côte barre avec un prix en euros !!!
Dtp : Très possible. De tels
produits ne devraient plus être traités avec cette légèreté par des
acteurs commerciaux ou industriels.
Pour terminer, on notera que le mercure,
selon les informations toxicologiques disponibles (qui sont encore
incomplètes), serait l'un des rares atomes qui même à l'état non
radioactif présenterait des dangers qu'il soit seul ou associé à
d'autres éléments, organiques ou inorganiques. C'est-à-dire que
contrairement à la grande majorité des atomes non transuraniens (ou
autres radioactifs),
aucune association ne neutraliserait sa toxicité d'une manière durable
dans un environnement terrestre moyen. Aucune opération ne
semblerait satisfaisante à part le confinement.
_____
[1] "la demande, exprimée
par le Parlement en 1ère lecture, d'interdire également les importations
de mercure dans l'UE n'est pas inclue dans le compromis.", voir
page sur europarl.europa.eu.
Cette note (et sa faute
d'orthographe dans incluse) est destinée
à dissiper un malentendu qui ne doit pas être colporté comme c'est le
cas actuellement sur certains sites internet : l'importation de mercure n'est
aucunement interdite à la suite du vote parlementaire d'une
proposition.
Il semble important de
redire que pour le moment dans l'Union, c'est le Conseil (des ministres, pas le
Conseil Européen qui est constitué des chefs d'États ou de
gouvernements) qui décide d'adopter ou non les
propositions du Parlement et de la Commission. Une proposition n'a
aucune valeur communautaire légale tant qu'elle n'est pas adoptée par
les ministres réunis en Conseil.
Le traité de Lisbonne
devrait modifier ce fonctionnement.
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