Les
imprimatures
L'imprimature - ou imprimeure ou impression,
à ne pas confondre avec l'imprimatur, concept religieux - n'est autre,
aujourd'hui, qu'un fond coloré,
normalement uni. Un sens qui peut sembler appauvri par rapport à ce qu'il a
représenté dans le passé. Cependant, cet apparent appauvrissement représente
peut-être une évolution historique des aspirations des peintres.
Plus qu'une coloration globale, il s'agissait surtout à l'origine d'imprimer
une forme claire par-dessus un fond uni plutôt sombre. Mais la démarche a
évolué, et, avec elle, le sens des mots - que l'on ne trouve d'ailleurs pas dans
les dictionnaires.
Aux XVIII et XIXème siècle, les peintres travaillaient encore beaucoup sur des fonds colorés : gris foncé,
brun à base ferreuse ou
rouge légèrement terreux, des couleurs "classiques". Le verdaccio
flamand, pratiqué par les Van Eyck après les primitifs italiens était une imprimature grisâtre à base de terre verte, d'ocre et de noir, liés à
l'oeuf. Pour les anciens peintres italiens, il s'agissait,
et c'est très représentatif du "procédé imprimature" à l'ancienne, de traiter les
carnations d'une
manière subtile et rigoureuse. Ils appliquaient d'abord un fond, puis
réalisaient un travail assez précis à
l'aide d'un vert grisâtre, blanchi (voir terre
verte). Après cela seulement, ils introduisaient les couleurs chaudes en
transparence. Voir techniques
de mélange des couleurs - avec ou sans le blanc ?.
On peut aussi mentionner l'intonaco de
Giotto (XIIIème-XIVème). Plus tard, Rubens utilisera tantôt des
imprimatures rouges ou grises pour ses pochades, tantôt du blanc pour ses plus
grands travaux. Déjà, la démarche commence à s'éloigner de l'idée d'imprimer une
forme dès le début du travail, alors que prédomine celle d'une coloration de
fond.
Poussin, comme d'autres, usera massivement du bol
d'Arménie, donnant un fond rouge terreux pouvant être mêlé notamment de mercures rouges
(voir Le vermillon, le cinabre).
Au XXème siècle, les imprimatures se feront bleues, vertes, noires, jaune
pâle, etc. et joueront surtout un rôle chromatique.
Quel que soit le terme employé (imprimature, imprimeure,
impression), la question se pose de définir ce qu'il s'agit d'imprimer : une
couleur, une forme, les deux à la fois ?
Dans la démarche contemporaine, plutôt chromatique, un fond blanc sous l'imprimature
vient souvent en renforcer la luminosité. La
question centrale de l'imprimature des temps les plus récents est cependant la suivante : cherche-t-on ou
non, dès le départ, dans l'intention artistique, à donner une note tonale, à "bloquer" la lumière,
ou encore à réduire et délimiter le jeu des transparences à des zones
claires ajoutées dans une phase intermédiaire, comme dans le passé lointain
?
Chaque démarche a sa justification. De la tradition balinaise encore
assez vivante à l'Italie des Primitifs, on a
pratiqué un peu partout un "blocage" initial de la lumière par l'application
d'une première couche sombre avant de revenir par-dessus localement et très
finement avec la même couleur mêlée de pigment clair, l'étape finale n'étant
rien d'autre qu'une coloration transparente. Mais ce procédé n'a guère de
rapports avec la plupart des pratiques contemporaines ou modernes, voire
un peu plus anciennes, qui exigent plus de liberté - notamment dans les phases
finales - et donc davantage de lumière dès les premières couches.
Retour
début de page