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Laques anciennes (couleurs)
Il existe d'autres substances colorantes anciennes
comme le safran et le
curcuma par exemple, dont on peut faire des laques par dilution, mais
celles qui suivent ci-dessous sont transparentes par essence et méritent
davantage l'appellation classique de "laques".
Voici une énumération qui n'a pas prétention à être exhaustive :
*
la garance
fait l'objet d'un article séparé.
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les carmins et le kermès.
*
Le
carmin
de garance ou
d'alizarine a été créé par Bourgeois en 1816 ("carmin" est
alors, dit-on, la contraction de "kermès" - de l'arabe kermiz
- et de minium, information non
confirmée). Nous ignorons si sa composition à l'époque était déjà celle
d'aujourd'hui (généralement un rouge
anthraquinonique). Elle a disparu dans le courant du XIXème siècle (lire
passage in Laques) mais il est possible que ce pigment
fut lui-même destiné à remplacer les couleurs à base de cochenille, trop
fugaces, comme...
* ...
le carmin de cochenille et
le rouge kermès. Evoquons leurs liens et leurs différences.
Le premier est en quelque sorte issu du second. Ce qui les distingue, ce
n'est guère leurs caractéristiques en tant que colorants : ils se ressemblent
énormément. Les lieux et modes de production sont, eux, différents :
*
le kermès est fabriqué avec les oeufs des cochenilles (kermes
vermilio ou kermes ilicis) parasitant un chêne méditerranéen
dit chêne kermès, poussant en Espagne et dans les îles grecques, ou,
selon certaines sources (très crédibles), avec les femelles détachées de
l'arbre avant la ponte, puis broyées. On en tire l'acide carminique, que
l'on mêle à de l'alun. Il serait possible de le
"vermillionner" (rendre plus orangé) en le soumettant aux acides du
vinaigre ou du citron.
Le terme de kermès est en fait probablement très ancien. En sanscrit, il
donne kermi, en arabe quirmiz, en anglais crimson,
en français cramoisi. Ce vocable international
signifierait "ver" - un mot qui lui-même a donné "vermillon".
Cette couleur fort coûteuse aurait eu un grand succès comme substance
tinctoriale et comme pigment à peindre et à écrire durant la période
médiévale en Europe, de la Pologne (importante zone de production, basée
sur porphyrophora polonica) à l'Arménie (autre zone de production
plus ancienne, attestée à partir du 1er millénaire BC, fondée sur
porhyrophora hameli, variété petite prospérant de la Baltique à
l'Ukraine sur la gnavelle vivace) en passant par Florence, Venise
et la Turquie. Elle aurait même été décelée dans une grotte
préhistorique (Adaouste, France). Elle périclite à partir du XVIIème
siècle et disparaît presque totalement à la fin du XIXème.
*
le carmin de cochenille est fabriqué par ébullition de
l'insecte femelle (récolté juste avant la ponte) de la variété mexicaine
de cochenille qui parasite les cactus de type nopal (de l'aztèque
nopalli, figuier de Barbarie mexicain semblable à l'oponce
grec).
Initialement, les Amérindiens l'utilisent déjà à grande échelle comme
teinture (mordant : alun ou jus de citron) et
comme pigment à usages divers. Les conquistadores l'importèrent en
Europe dès 1520 ou 1540.
Au XVIIIème et au XIXème siècles, ces cactus ont
été implantés en Algérie, en Afrique, à Java, en Espagne et aux îles
Canaries (premier exportateur au XIXème siècle) et cultivés à
grande échelle, le rendement des parasites du coccus cacti
s'avérant très supérieur à celui du kermes vermilio.
Approximativement, un hectare (carré de 100m de côté) donnait 300 kg de
cochenille, un excellent chiffre, une rentabilité exceptionnelle
augmentée par la surexploitation de la main d'oeuvre souvent en
esclavage. On devine derrière ces données l'intérêt industriel et
économique de cette couleur voisine du kermès, beaucoup trop rare et
cher, près de dix fois moins rentable, et l'ampleur du bouleversement
créé par la suite lors de l'invention d'un carmin purement industriel
ajoutant la permanence aux qualités initiales du produit animal.
* Mentionnons une variété asiatique de la
cochenille, dite "cochenille à laque" : kerria lacca. Elle croît
sur différents arbres d'Asie, mais nous ne disposons d'aucune précision
à son sujet (merci de nous apporter vos témoignages).
L'offre actuelle du commerce est faite
d'imitations et nous fait découvrir des variétés nouvelles de carmins,
parfois un peu trop mauves, proches de la pourpre.
Lecture conseillée :
Le
carmin sur Pourpre.com
*
la gaude (du germanique
walda et/ou d'après le mot latin gaude signifiant être en
joie, mettre en joie), dite aussi giallolino ("le petit
jaune", une appellation somme toute très imprécise qui s'est
également appliquée au jaune de
Naples) et laque
d'Avignon. Elle fut extraite dès le néolithique de
la plante éponyme (gaude, reseda luteola), variété de réséda (du
latin resedare, calmer, à cause de vertus médicinales supposées -
noter qu'en anglais réséda se dit curieusement mignonette),
plante herbacée pouvant atteindre 1,50m, qui serait actuellement interdite
à la cueillette en France car en voie de disparition.
Elle donne un jaune, mais aussi, par association avec différents bleus
(notamment la guède, dès l'époque
gauloise), des verts réséda assez célèbres. L'une des raisons de
son succès est son faible coût.
En tant que teinture, la gaude est désignée au XVIIIème siècle comme
teinture "grand teint" (elle
est l'un des rares jaunes à ne pas brunir). Elle est très utilisée
à cette époque, peut-être grâce au renouveau progressif de la couleur
jaune en Occident (voir les jaunes).
On la mentionne aussi comme l'un des deux jaunes utilisés pour les
enluminures, plus tard en peinture. Elle était alors nommée laque de
gaude ou giallolino (en italien, petit jaune, jaune pâle).
Elle sert bien plus tard en peinture décorative (papiers peints
notamment). On la prépare avec de la craie naturelle et de
l'alun,
qui sert aussi à préparer une teinture avec la même substance.
La plante est encore cultivée intensivement en Europe au XIXème
siècle. Elle est alors remplacée par le
quercitrin puis les pigments synthétiques.
A tort ou a raison, la gaude a la réputation d'être fugace, mais c'est
surtout en comparaison avec des pigments jaunes beaucoup plus récents
disposant d'une permanence exceptionnelle.
*
l'orseille.
Elle est traitée dans l'article
consacré aux violets et aux mauves.
*
le rouge brésil est traité
dans l'article consacré aux rouges.
Voir aussi Rouges.
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