Les
albâtres
Le mot albâtre pose
quelques problèmes de définition. Au-delà, la question du bon emploi de ce
matériau ne semble pas non plus clairement résolue à ce jour.
Attardons nous en premier
lieu à la définition lexicale de l'albâtre.
Lecture conseillée :
L'albâtre sur Pourpre.com
D'abord, son genre est masculin alors que son aspect
blanc et transparent ainsi que quelques expressions poétiques comme "des
épaules d'albâtre", "une gorge d'albâtre" évoquent clairement
une féminité particulièrement affirmée.
Ensuite, les albâtres sont normalement des catégories de gypses.
Or, certains auteurs évoquent un "albâtre calcaire" (dit aussi
parfois "onyx calcaire"), mais cette appellation peut être
considérée comme abusive. Elle est jugée telle par différents
dictionnaires et certains n'ont même pas estimé nécessaire de l'évoquer. Par
ailleurs, des auteurs signalent une confusion : certains gypses ont pu
être vendus comme pierres calcaires (calcites)
fines ou comme marbres alors qu'elles sont plus fragiles
- l'ongle les raye - et
sont aussi plus translucides - sauf traitement de falsification, voir
ci-dessous. Cette fragilité a longtemps été considéré comme un
défaut. Dans ces conditions, au lieu de risquer de faire écho à de vieilles
escroqueries, nous ne traiterons ici que de l'albâtre authentique, à base de
gypse, non falsifiée.
Enfin, albâtre est lié étymologiquement au
latin albus,
qui signifie blanc. Pourtant, dès l'époque romaine, certaines définitions de
ce mot ont inclus des variétés colorées de gypse et le vocable un peu bâtard alabastrites
(en français actuel, alabastrite) est venu apporter une précision
devenue nécessaire : il désignait les variétés italiennes blanches par
opposition aux variétés colorées que le Petit Robert nomme encore de nos
jours albâtres orientaux.
Ces imprécisions et bricolages lexicaux tournent au cauchemar lorsque l'on découvre que certains industriels anglo-saxons utilisent
aujourd'hui le terme alabastrite pour désigner des statues en résines
dont l'apparence évoque avec insistance celle de nains de jardins !
Pourquoi, au fond, tant de confusions et de rapiéçages
manqués ? Le livre "s/z" de Roland Barthes pourrait peut-être nous inspirer
quelques réponses car l'albâtre, souvent associée à la Lune, est donc
double, tout comme le cristal de gypse ("queue d'aronde") et tout comme
le nom ambigu Sarrasine. Certaines sources prétendent d'ailleurs
que le mot gypse serait venu remplacer celui de sélénite - véritable terme
originel - dès l'Antiquité grecque (information non confirmée).
Le fait que l'albâtre blanc doive être distingué par un vocable spécifique
répondant à un impératif académique ne nous intéresse plus tellement dans
l'approche contemporaine de la sculpture, aussi évacuerons-nous sans vains
questionnements le terme d'alabastrite, le laissant pour ainsi dire aux nains de jardins.
La transparence de l'albâtre semble être encore un défaut aux yeux de
certains auteurs qui vont même jusqu'à exposer un procédé de blanchiment
destiné à lui donner l'aspect d'un marbre de Carrare. Ce procédé qui frise
la malhonnêteté ne sera pas reproduit dans nos pages.
Faut-il donc à tout prix dissimuler la transparence et la tendreté de
l'albâtre ? Pourquoi ne pas en user plutôt à bon escient, comme l'ont
fait d'innombrables sculpteurs de l'Antiquité ainsi que des lapidaires et des
décorateurs de tous temps ? Son aspect lunaire un peu
magique peut se prêter parfaitement à certains travaux. Sa tendreté et sa
finesse autorisent des tailles, des polissages, des "matières"
inimitables, proches de ce qui peut être obtenu avec le plâtre mais
avec une translucidité que celui-ci n'a pas.
Attention : comme tout gypse, l'albâtre peut
commencer à s'altérer à la température de 70°C. Il est imprudent de
placer des oeuvres à proximité immédiate de sources de forte chaleur (des spots,
par exemple).
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