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3. La symétrie |
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Cette page qui fait partie du
chapitre XXV est une discussion
entre Claude Spielmann, psychanalyste, Jean-Louis, physico-chimiste (CNRS), et Emmanuel,
candide.
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Emmanuel :
Jean-Claude écrit ceci : « il existe une approche de
l'électromagnétisme classique qui consiste à introduire la notion de
charge magnétique libre de manière à rendre symétrique l'écriture des
équations de Maxwell : une sorte de "dualité électrique / magnétique". »
[lien]
Mais que signifie ce
"rendre symétrique" exactement ? Une nécessité ?
Le sujet de la symétrie revient souvent
dans ce chapitre.
Jean-Louis : Un désir humain, certainement, c'est
documenté. Notre cerveau préfère les choses symétriques. Mais plus
fondamentalement, pour qu'il y ait une asymétrie il faut une raison, une
force. Donc si on conçoit une théorie symétrique, c'est plus simple, pas
besoin d'imaginer une "raison" supplémentaire juste pour a-symétriser.
Il y a un domaine de la
chimie qui s'appelle synthèse "asymétrique", et je peux te dire qu'ils
en bavent. En physique des particules, aussi, on observe des symétries
et des asymétries, notamment la proportion matière/antimatière. On sait
pas pourquoi...
Emmanuel :
Jolie réponse.
Que peut dire notre ami Claude Spielmann,
qui est psychanalyste, de ce "désir de symétrie" ?
Il y a je crois en psychanalyse également un champ
d'investigation et un champ clinique qui concernent la symétrie. J'ai
envie de partir tout doucement d'un exemple : le cas
classique d'une personne qui regardant un tableau n'en voit pas tant le
contenu que l'inclinaison éventuelle, compulsivement. Qu'est-ce que ça
saisit dans le rapport de l'humain à l'a/symétrie, dans ce cas ou dans
d'autres, et qu'est-ce qui peut bien faire que « on en bave » ?
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"Il
faut une raison, une force" |
Claude :
Je voudrais d'abord rappeler une banalité
qui consiste à faire la différence entre cerveau et psychisme. Le
premier relève des sciences comme la (neuro) biologie, la chimie,
l'anatomie, etc. Le psychisme c'est beaucoup plus difficile, enfin très
différent.
Pour rassembler ça en une formule, le
psychisme serait une interprétation des productions du cerveau et donc
une transgression des lois du cerveau. Déjà donc on peut dire qu'il n'y
a pas symétrie entre le cerveau et le psychisme et de plus, si le
cerveau tendrait à produire de la symétrie, les interprétations du
psychisme introduiraient de la dissymétrie.
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Intervention de
Claude Spielmann |
Prenons par exemple la question du regard.
Lorsque deux sujets singuliers se regardent, sujets par définitions
désirants, aucun des deux ne sait ce que l'autre met dans son regard.
Mais ces regards font signe à l'autre qui y lit confirmation ou rejet de
son propre désir. Ces regards font signe à partir du désir de chacun et
en fonction de notre incomplétude fondamentale, en fonction donc d'un
mal/entendu radical et fécond tout à la fois. Si l'on disait que ces
regards sont symétriques, ils ne feraient signe de rien, ils ne feraient
pas signe, ce serait des yeux de merlans frits comme on dit.
Ainsi en est-il d'ailleurs du rapport
entre un tableau et le regardant. Toujours, le tableau résiste au regard
du regardant. Aucune symétrie n'est possible dans cette affaire ou alors
il n'y aurait pas de tableau ni de regardant d'ailleurs. C'est la
dissymétrie qui produit la possibilité d'un rapport.
La symétrie, concernant les sujets et
leurs psychismes, ne peut que m'évoquer la question du miroir, du même,
de la fascination, de l'immobilisme, de la complétude, de la fin du
désir donc du sujet. La dissymétrie est par contre le résultat d'un
manque, d'un écart, d'un mal/entendu, propre aux mouvements du désir
donc de la vie qui est toujours en mouvement.
Pour résumer, s'agissant des sujets et de
leurs psychismes, la symétrie me parait être du côté des pulsions de
mort (Thanatos), tandis que l'asymétrie serait du côté des pulsions de
vie (Eros), sans méconnaître que ces deux types de pulsions sont
toujours liés de manière conflictuelle. Symétrie et dissymétrie
n'existent que l'une par rapport à l'autre, l'une n'existe qu'en
fonction de l'autre. Un sujet vivant est donc nécessairement dans le
conflit et donc dans l'asymétrie. Et dès lors il n'est pas étonnant
qu'ils « en bavent ».
Emmanuel :
Merci Claude. Quand tu évoques la symétrie
comme « signe de rien », ça fait un peu penser à
Maxwell et au-delà, à Shannon, notamment à sa machine absurde qui se mettait sur «
off » quand on la mettait sur « on », démontrant - pour faire court -
que la non-information est une information et potentiellement un signe
pourvu que quelqu'un la perçoive. |
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Les yeux de merlans frits |
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