De re- et affiner
Faut-il distinguer le raffinage de
l'affinage ?
Si l'on s'en tient aux étymologies, oui. Mais dans les
faits, rien n'est moins sûr. L'usage courant actuel,
paradoxalement sans grande finesse, du mot raffinage, semble avoir
débordé de son sens étymologique qui indiquait spécifiquement par le
radical r une opération répétitive alors que ce n'est pas toujours le cas
de nos jours.
Le terme raffinage désigne grosso
modo, dans différents domaines, la purification
d'un produit par des procédés variés pouvant mettre en oeuvre :
* l'adjonction d'une ou de
plusieurs substances. Dans certains cas, de tels "raffinages"
s'apparentent à des préparations qui n'ont aucun rapport avec une
purification.
* une cuisson.
* ou le plus souvent, une
distillation où l'on parvient à
séparer plusieurs composés à partir d'un produit brut ou déjà affiné. Les
procédés modernes tiennent davantage de la transformation précise et
maîtrisée d'un produit en une multitude d'autres que d'une recherche
alchimique de pureté qui a perdu tout son sens.
En relation avec cette évolution du concept
de raffinage, évoquons brièvement le terme quintessence et son
histoire.
L'abstracteur de quintessence, c'est-à-dire l'alchimiste, ne cherchait
pas forcément à raffiner une substance en cinq opérations comme le radical
quint- pourrait porter à le croire (peut-être y a-t-il là source de
confusion). Ce radical faisait en effet référence à une "cinquième
essence" quasiment divine,
l'éther (un mot qui désignait initialement le quatrième élément, le
feu), censée selon Aristote s'ajouter aux quatre éléments de la classification d'Empédocle
d'Agrigente. Après l'Antiquité, la quintessence désignera moins un élément
que l'essence pure d'une chose, en quelque sorte sa perfection, ce qui
semble relever d'une conception encore marquée par l'aristotélisme.
Si l'alchimiste affinait et raffinait sans relâche des produits variés
dans une quête de pureté qui semble aujourd'hui très illusoire, l'ingénierie actuelle permet
certes d'obtenir des produits très "purs", mais elle a surtout gagné en
précision et en efficacité concrète jusqu'à modifier l'idée que l'on peut
se faire de la pureté et du raffinage. Ce qui est pur, ce qui est affiné ou
raffiné, ce n'est plus une abstraction issue des constructions imaginaires
d'Empédocle ou d'Aristote, ce n'est pas un en-soi plus ou moins divin
situé en puissance dans une substance et qu'il s'agirait de libérer. Le
résultat d'un raffinage est ce qui correspond
exactement à ce que nous souhaitons obtenir, quel que soit le procédé et
quel que soit le produit recherché, bitume grossier, plastique élaboré ou
benzène primaire.
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