Parchemins et vélins : quid ?
Quoi qu'il en soit de cette légende, il s'agissait d'utiliser non pas une plante comme
dans le cas du papyrus, du liber ou du
papier (qui n'apparaîtra que beaucoup plus tard
en Occident), mais des peaux d'animaux : mouton, agneau, chèvre, etc. On
aurait d'ailleurs nommé antérieurement ce support diphtera ou
membrana. Les meilleurs résultats étaient obtenus, dit-on, avec la
peau de veau mort né, très fine, nommée
vélin (qui correspondrait à l'ancienne charta virginea,
nommée ainsi, peut-être, en raison de sa blancheur). En fait on
réaliserait également d'excellents parchemins d'agneau et de chevreau (cf.
une référence de tout premier plan
de Mireille Marlier).
La qualité du pergamineum était de toute façon sans doute très
exceptionnelle pour l'époque car le recours aux peaux animales comme supports était une
pratique banale depuis déjà des milliers d'années (peut-être dès le IIIème
millénaire BC, mais l'idée a pu naître dès les premiers balbutiements de
la tannerie) et n'avait pas supplanté pour autant le très efficient
papyrus. Le parchemin était un réel progrès.
Vers le milieu du Moyen-âge, le procédé est déjà bien répandu en
Europe, supplantant progressivement le papyrus.
Fabrication et
qualité
Au XIIIème siècle, la fabrication est décrite à peu près
ainsi :
* immersion de la peau dans l'eau et
première épilation/décarnation/amollissement à la
chaux vive
* tension sur châssis et séchage au soleil,
une opération essentielle selon Mireille Marlier, à cause d'une
modification structurelle du collagène. A noter
à ce sujet : les morceaux de peau excédentaires auraient été utilisés pour
la fabrication d'une "colle de parchemin", alias "colle de brochette",
soit une variété de colle de peau. On saisit
ainsi que le parchemin a pu faire partie d'une sorte de chaîne
industrielle.
* finition à la lame (lissage, épilation
finale).
Ce qui est un procédé simplifié. Un texte du VIIIème décrit
une fabrication beaucoup plus complexe avec grattages, lavages répétés,
ponçages, intervention de différents produits à la finition, etc.
La qualité du produit ne dépendait pas
seulement de l'animal. Il existait de mauvais parchemins à cause de
mauvais procédés. Un bon parchemin était normalement très fin et
parfaitement lisse. Un mauvais pouvait comporter des poils, des saletés ou
être rugueux.
Une autre pratique est mentionnée : l'enduction. Toujours au Moyen-âge
et sans doute au-delà, l'ouvrage d'art (essentiellement l'enluminure)
nécessitait semble-t-il, au moins dans certains cas, l'immersion dans une
colle (colle de poisson chaude
typiquement) pour rendre le support moins absorbant.
Ce genre d'opérations
parfois poussées à un niveau de savoir-faire beaucoup plus élevé
autorisait également une pigmentation. On évoque notamment la
pourpre véritable mais cette information n'est
pas pleinement confirmée car les analyses non-destructives sont encore un
peu trop récentes. La bible d'Uppsala, le codex argenteus
et le codex genesis de Vienne sont, parmi d'autres prestigieux et
vénérables documents, soupçonnés d'avoir été teints avec le murex.
Autres points
techniques
Il faut les préciser car ce ne sont pas des détails :
* tout comme les tissus enduits à la colle de peau
(voir passage),
le parchemin serait assez sensible à l'humidité. Il se déformerait.
* contrairement au papyrus qui est en
principe employé comme page et non comme feuille, on peut normalement
utiliser les deux faces d'un parchemin. Recto et verso.
Comme l'exception doit confirmer la règle, signalons l'existence de
certaines variétés épaisses faites pour un emploi "monoface".
* on pourrait effacer un parchemin en le
trempant dans du lait puis en le ponçant (non confirmé, certaines sources
mentionnant un simple ponçage). On obtient alors un palimpseste. Un
mot ancien (grec palimpsêstos) qui n'est pas étranger à de nombreux
artistes, les peintres en particulier, dès lors que leur travail a quelque
chose à voir avec la mémoire notamment.
Décadence du parchemin et
parcours historique
En Europe, les premiers moulins à papier (fin XIIIème siècle
- lien) et
peut-être encore plus l'avènement de l'imprimerie typographique "moderne"
à partir de 1454 (la célèbre bible de Gutenberg - 1456 - était imprimée
sur papier humide) pourraient être considérés comme d'importants
événements déclencheurs de la disparition progressive du parchemin. Des
productions ponctuelles - parfois tout à fait exceptionnelles - sont
mentionnées jusqu'au XIXème. La véritable durée de vie du
procédé fut très approximativement de l'ordre de 1500 ans, soit grosso
modo la moitié ou le tiers de celle du papyrus.
Voir aussi liber,
papier et surtout
papyrus.
Parchemins et vélins
d'aujourd'hui
Le terme parchemin a pu désigner jusqu'à nos jours d'autres sortes d'ancêtres ou de cousins du
papier.
Le parchemin communément vendu aujourd'hui n'est pas forcément
(euphémisme) un véritable parchemin animal. Des fabricants de papiers ont
créé des variétés (de papiers) fins et assez solides, parfois opalescents,
qui peuvent évoquer l'antique produit. Certains résistent assez bien aux
encres, sont parfois joliment colorés et ne doivent pas être dédaignés.
Signalons aussi le fait que les "vélins" actuels sont très différents des
papiers vendus comme parchemins. Paradoxalement ils sont assez épais,
possiblement parce qu'ils sont employés en gravure.
Voir Les
vélins in Les papiers à dessin.
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